Dans le cadre de la campagne "anti-normalisation", les dirigeants palestiniens font pression sur les pays arabes pour qu'ils boycottent le sommet mondial orgnisé par les États-Unis sur le Moyen-Orient et l'Iran. Selon le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo (au centre), le sommet « réunira des dizaines de pays du monde entier, d'Asie, d'Afrique, des pays de l'hémisphère occidental, de l'Europe et du Moyen-Orient bien sûr ». (Photo de Spencer Platt / Getty Images) |
Les dirigeants palestiniens intensifient actuellement leurs efforts pour empêcher les pays arabes de normaliser leurs relations – ou de signer un quelconque accord de paix - avec Israël.
La campagne se déroule sur fond d'articles de presse concernant le réchauffement des relations entre Israël et certains pays arabes, y compris une récente visite du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu à Oman.
Le spectre de la paix entre les pays arabes et Israël tourne au cauchemar pour les dirigeants palestiniens. Mais plutôt que de bâtir un avenir meilleur pour leur peuple - qui en a désespérément besoin -, les dirigeants palestiniens mettent leur énergie à contrecarrer le moindre rapprochement entre les pays arabes et Israël.
Engagés dans une campagne « anti-normalisation », les dirigeants palestiniens de Cisjordanie font pression sur les pays arabes pour qu'ils boycottent le sommet mondial sur le Moyen-Orient et l'Iran que les États-Unis organisent en Pologne le mois prochain.
Le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo a déclaré dans une interview télévisée que la réunion « sera centrée sur la stabilité, la paix, la liberté et la sécurité ici au Moyen-Orient, dans cette région ; elle abordera un point important pour que l'Iran cesse d'exercer une influence déstabilisatrice ».
Pompeo a ajouté que « des dizaines de pays du monde entier, d'Asie, d'Afrique, de l'hémisphère occidental, d'Europe et du Moyen-Orient bien sûr » seront conviés.
Les dirigeants palestiniens semblent convaincus que la conférence américaine est une composante d'un plan global de normalisation des relations entre les pays arabes et Israël. Le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, ses principaux lieutenants et porte-paroles à Ramallah, considèrent que tout ce que l'administration américaine fait ou dit relève d'un « complot visant à liquider la cause palestinienne et ses droits nationaux ».
Depuis décembre 2017, date à laquelle le président Donald Trump a reconnu Jérusalem comme capitale d'Israël, Abbas et l'Autorité palestinienne boycottent l'administration américaine. Ils ne manquent aucune occasion non plus, de condamner le plan de Trump pour la paix au Moyen-Orient, un plan qui n'est pas encore rendu public, et qui est déjà surnommé le "deal du siècle".
Le 23 janvier, à Ramallah, capitale palestinienne de facto de la Cisjordanie, les dirigeants palestiniens au grand complet ont rejeté le projet de conférence américaine en Pologne et ont appelé les pays arabes à en faire autant. Ils ont réaffirmé leur soutien à l'Initiative de paix arabe, une proposition en dix points que la Ligue arabe a formulée en 2002.
Les réserves israéliennes sur le plan de paix de la Ligue arabe concernaient le retrait des hauteurs du Golan, un retour aux lignes indéfendables d'avant la guerre de 1967, et le "droit au retour" des réfugiés et de leurs descendants dans leurs anciennes habitations en Israël. Inonder Israël de millions de Palestiniens aurait fait des Juifs une minorité – et tel était sans doute le but de l'opération.
En d'autres termes, l'Initiative de paix arabe revenait à valider la création de deux États palestiniens : l'un en Israël et l'autre en Cisjordanie-Gaza et Jérusalem-Est.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu avait déclaré à l'époque que le seul élément positif du plan était la volonté des pays arabes de faire la paix avec Israël et de normaliser leurs relations avec l'Etat juif.
Pendant toute cette période, les dirigeants palestiniens n'ont jamais trouvé le temps d'améliorer les conditions de vie de leur peuple, ou de remédier à la "crise économique et humanitaire" qui sévit à Gaza. Ces questions n'ont jamais figuré en tête de leurs priorités.
Abbas et son Autorité palestinienne se disent blessés des discussions en cours sur le rapprochement de certains pays arabes et d'Israël.
Le secrétaire général de l'OLP, Saeb Erekat, qui a consacré les deux dernières décennies de sa vie à condamner Israël et les États-Unis, a tiré le premier le signal d'alarme quant à la prochaine conférence de l'administration américaine.
Sans déroger à la tradition palestinienne du "complot" pour tout ce qui touche à Israël et aux Etats-Unis, Saeb Erekat a déclaré que la conférence de Pologne « visait à creuser les divisions dans la région ».
Erekat est évidemment préoccupé que certains pays arabes participent à la conférence, parlent au nom des Palestiniens, voire même normalisent leurs relations avec Israël. L'OLP, a-t-il réaffirmé, est le seul représentant autorisé des Palestiniens pour toutes les négociations relatives à la question palestinienne.
D'autres responsables palestiniens sont allés jusqu'à informer les pays arabes qu'une normalisation de leurs relations avec Israël serait considérée comme un acte de trahison. Abbas Zaki, dirigeant historique du Fatah au pouvoir, a déclaré : « Que certains pays arabes normalisent leurs relations avec Israël serait un acte de trahison et une lâcheté ». Dans une autre déclaration, Zaki a qualifié les récentes visites de certains Arabes en Israël « de coup de poignant dans le dos de la lutte nationale palestinienne ». L'apparent rapprochement d'Israël et de certains pays arabes, a-t-il ajouté, s'inscrit dans un complot visant à faciliter le contrôle et l'hégémonie d'Israël sur les ressources arabes.
Mohammed Shtayyeh, autre haut responsable du Fatah et ancien membre de l'équipe de négociation palestinienne avec Israël, a déclaré que les Palestiniens étaient frustrés et attristés d'une éventuelle normalisation entre les Arabes et Israël. Sur Voice of Palestine, la radio de l'Autorité palestinienne, Shtayyeh a attribué le rapprochement apparent entre Israël et certains Arabes au « déclin » des pays arabes et islamiques.
Trois milices palestiniennes - le Front populaire pour la libération de la Palestine (FPLP), le Front démocratique pour la libération de la Palestine (FDLP) et le Hamas - ont également appelé les Arabes à la résistance contre la paix avec Israël. Ces mouvements ont ajouté qu'il était temps de prendre « des mesures sérieuses pour faire face aux dangers de la normalisation avec Israël ».
Le Premier ministre de l'Autorité palestinienne, Rami Hamdallah, a rejoint le chœur en exhortant les Arabes à s'abstenir. A l'occasion d'une conférence économique arabe qui avait lieu au Liban le 20 janvier, Hamdallah a déclaré qu'aucune normalisation avec Israël ne devrait avoir lieu avant la création d'un État palestinien indépendant sur les lignes antérieures à 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale. Il a adjuré les institutions et entreprises arabes de se conformer aux instructions de boycott de la Ligue arabe contre Israël.
On remarquera que l'attitude de l'Autorité palestinienne et de ses dirigeants relève d'une immense hypocrisie : ils exigent des Arabes qu'ils boycottent Israël alors qu'eux-mêmes parlent et travaillent au quotidien avec des Israéliens. Le sieur Hamdallah qui appelle au boycott se réunit régulièrement avec le ministre israélien des Finances, Moshe Kahlon, à Jérusalem. Hussein al-Sheikh, autre haut responsable du Fatah, rencontre régulièrement des responsables israéliens au titre de sa fonction de ministre palestinien.
La stratégie palestinienne est désormais d'inciter les populations arabes à se révolter contre leurs dirigeants. Le message d'Abbas et de ses adjoints aux Arabes est le suivant : « aidez-nous à empêcher les dirigeants arabes de conclure la paix avec Israël. Tout dirigeant qui normalisera ses relations avec Israël doit être considéré comme un traître ».
La campagne "anti-normalisation" des Palestiniens vise à contrecarrer "le deal du siècle" mis au point par Trump pour, selon certains articles de presse, normaliser les relations entre les Arabes et Israël. Les Palestiniens se disent déterminés à contrecarrer ce plan de paix que nul n'a encore consulté. Déjouer les plans de paix et une éventuelle normalisation israélo-arabe, voilà à quoi s'occupent Mahmoud Abbas et ses adjoints alors qu'ils n'ont rien à offrir à leur peuple. Les pays arabes se soumettront-ils à l'intimidation palestinienne ? Telle est la question.
Bassam Tawil, un arabe musulman, est basé au Moyen-Orient.