Magnus Ranstorp, expert suédois du terrorisme, a mis en garde la Suède contre le retour des terroristes de l'Etat islamique, - et aussi contre le retour de leurs femmes et de leurs enfants - : « Certains ont appris à tuer ... leur identité sera toujours marquée par leur passage au sein de l'Etat islamique... » (Source de l'image : Victoria Henriksson / Wikimedia Commons) |
Le nouveau gouvernement suédois constitué en janvier à l'issue de plusieurs mois de négociations, met en place des politiques qui conduiront à une hausse de l'immigration. Les sociaux-démocrates, épine dorsale de la coalition, avaient pourtant fait campagne sur le thème de politiques d'immigration plus fermes.
L'élargissement du droit au regroupement familial pour les migrants titulaires d'une carte de séjour qui n'ont pas le statut de réfugié, implique que les « enfants non accompagnés » auront le droit de faire venir leurs parents en Suède. Cette mesure devrait entraîner l'arrivée d'au moins 8 400 immigrants supplémentaires en Suède au cours des trois prochaines années. Morgan Johansson, ministre des migrations, a affirmé que cette mesure « renforcera l'intégration » sans préciser de quelle manière.
« Il s'agit d'une très bonne décision humanitaire ; 90% [des personnes attendues] sont des femmes et des enfants qui vivent depuis longtemps dans des camps de réfugiés [et] qui pourront retrouver leur père ou leur mari en Suède » a déclaré Johansson. Sans doute faisait-il allusion au fait que la plupart des migrants arrivés ces des deux dernières années étaient de jeunes hommes, qui avaient laissé femmes et enfants derrière eux. La mesure autorise également les « enfants non accompagnés » à faire venir leurs parents en Suède. Nombre de ces « enfants non accompagnés » se sont avérés être des adultes. Le dentiste qui a établi ce détail sans importance a fini par être congédié.
Johansson a également déclaré que le droit de résider en Suède serait assoupli par « l'ajout de nouveaux critères humanitaires ». Selon Johansson, les personnes non-éligibles à un titre de séjour pourront désormais l'obtenir pour les raisons suivantes :
« Pour des cas très sensibles - personnes très malades, fragiles ou très vulnérables par exemple -, l'obtention d'un permis de séjour ne doit pas devenir un obstacle. Ces mesures concernent un très petit nombre de personnes et ne réforment qu'une toute petite partie de la politique d'accueil des réfugiés. Nous avons eu quelques cas frappants où les choses ont très bien fonctionné d'un point de vue strictement humanitaire... Même en cette période, un peu d'humanité et une approche humanitaire doivent avoir droit de cité, je pense que c'est important ».
Mehdi Shokr Khoda, un homosexuel iranien de 19 ans converti au christianisme en 2017, peu après qu'il ait fuit l'Iran pour gagner Stockholm, aurait sans doute apprécié de bénéficier d'un peu de l' « approche humanitaire » prônée par les autorités suédoises. Aujourd'hui, Mehdi et son compagnon, un italien résident suédois, se battent pour que Mehdi ne soit pas expulsé vers l'Iran. Les services d'immigration ont rejeté la demande d'asile de Mehdi affirmant qu'il a « menti » sur sa situation. Les autorités ne semblent pas avoir compris pourquoi il n'a été baptisé qu'à son arrivée en Suède et affirment qu'il « n'a pas été en mesure d'expliquer sa sortie de la clandestinité » en tant qu'homosexuel. La loi islamique qui prévaut en Iran interdit l'homosexualité et les homosexuels sont systématiquement exécutés. Depuis la révolution islamique de 1979, l'Iran a exécuté « entre 4 000 et 6 000 gays et lesbiennes », selon une dépêche WikiLeaks britannique de 2008.
Les mêmes impulsions humanitaires suédoises – autrement dit leur absence - visent aujourd'hui les chrétiens persécutés. Environ 8 000 chrétiens en attente d'expulsion sont passés dans la clandestinité en Suède, indique Gabriel Donner qui en tant qu'avocat a assisté environ 1 000 demandeurs d'asile chrétiens menacés d'expulsion.
Le ministre de la Migration, Morgan Johansson, a également affirmé, peut-être en guise d'excuse au regard des promesses électorales non tenues concernant l'immigration, que la Suède jouit désormais de « la plus forte baisse du nombre de demandes d'asile depuis 13 ans ». Une affirmation totalement inexacte au regard des chiffres de l'Office suédois des migrations : l'année 2018 se situe au troisième rang du plus grand nombre de permis de séjour délivrés (132 696). Les records précédents ont eu lieu respectivement en 2016 (151 031 permis de séjour) et 2017, (135 529). En 2018, la Syrie, l'Inde, l'Afghanistan, la Thaïlande, l'Érythrée, l'Iraq, la Chine, le Pakistan, l'Iran et la Somalie sont les dix principaux pays d'origine des personnes ayant obtenu un permis de séjour.
Que le gouvernement suédois mette en place des politiques d'immigration contre l'avis de la majorité d'une population d'un peu plus de 10 millions de personnes révèle un sérieux déficit démocratique. En décembre 2018, un sondage a révélé que 53% des Suédois souhaitaient une législation qui réduise le nombre d'immigrants acceptés en Suède.
La Suède semble avoir également décidé d'accueillir les djihadistes de l'Etat islamique sur le retour. Le Premier ministre Stefan Löfven, a récemment expliqué qu'ils étaient citoyens suédois, et que nul ne pouvait s'opposer à leur "droit" au retour. Les priver de leur citoyenneté se révèlerait contraire à la constitution a affirmé Löfven. Il a ajouté que les « revenants » qui ont commis des crimes seront poursuivis. En réalité, la législation suédoise ne permet pas aux services de sécurité de prendre les mesures pour un contrôle optimal des combattants de l'Etat islamique. La loi ne reconnait pas aux autorités le droit de saisir ou de fouiller leurs téléphones portables ou leurs ordinateurs, sauf présomption concrète de crime.
Une note positive toutefois. A la fin du mois de février, le gouvernement suédois a annoncé un projet de loi visant à criminaliser l'appartenance à une organisation terroriste. Ainsi, les combattants de l'Etat islamique à qui il sera impossible d'imputer un crime en particulier, pourront être poursuivis au nom de leur seule affiliation à une organisation terroriste. Les critiques ont souligné que des années ont été nécessaires au gouvernement pour criminaliser l'appartenance à des organisations terroristes ; ils ont aussi fait valoir que la peine prévue - deux à six ans d'emprisonnement- était « ridiculement faible ». Mais en attendant que cette loi soit votée, les « revenants » de l'Etat islamique ne pourront être jugés que pour les crimes qu'ils ont commis à l'époque où ils se battaient pour le "Califat".
Un expert suédois du terrorisme, Magnus Ranstorp, a lui aussi mis en garde les pouvoirs publics. Non seulement les terroristes de l'Etat islamique représentent un risque sécuritaire, mais leur femmes et de leurs enfants aussi a-t-il expliqué :
« Les femmes ne sont pas d'innocentes victimes, et il y a aussi un groupe important d'enfants de l'Etat islamique ... Dès l'âge de huit ou neuf ans, ils ont été envoyés dans des camps d'endoctrinement où ils ont appris les techniques de combat rapproché et le maniement des armes. Certains d'entre eux ont appris à tuer... leur identité sera toujours liée à la vie qu'ils ont eu au sein de l'Etat islamique et au fait qu'ils ont un père Etat islamique ou une mère Etat islamique. "
Ranstorp a ajouté que les services de prise en charge de la santé mentale en Suède n'étaient « pas adaptés à des problèmes de ce type. Si ces enfants demeurent avec leurs parents extrémistes, des effets différés, dans 15 ou 20 ans, ne sont pas à exclure ».