Selon Souad Sbai (à gauche), présidente du centre d'études italien Averroès, d'origine marocaine, « le Qatar étend chaque jour son réseau prosélyte, causant de graves dommages aux sociétés européennes, y compris à l'Italie ». Daniel Pipes (à droite) écrit que le Qatar « exerce une influence directe sur les décideurs et le public occidentaux ... Ses médias en langue anglaise diffusent une propagande subtile sous couvert de rhétorique libérale occidentale ... Le Qatar est le plus grand donateur étranger des universités américaines. » (Sources image : Wikimedia Commons / Luke Ford [Pipes]) |
En octobre, le ministre de l'intérieur italien, Matteo Salvini, s'est rendu au Qatar, devenu un authentique « géant de l'énergie ». Il a félicité l'émirat d'avoir cessé de « sponsoriser l'extrémisme ». Malheureusement, rien n'est plus faux. Le Qatar, « l'autre Etat wahhabite », soigne ses relations économiques avec l'Europe... pour mieux y diffuser sa marque de l'islam politique.
Un livre récent, Qatar Papers: Comment l'Émirat finance l'islam de France et d'Europe, écrit par deux journalistes français, Christian Chesnot et Georges Malbrunot, montre qu'en Italie seulement, le Qatar a consacré 22 millions d'euros à divers projets islamiques. Ces fonds n'ont profité qu'à un seul bénéficiaire : l'Union des communautés et organisations islamiques d'Italie (UCOII), une organisation proche des Frères Musulmans, protégée par le Qatar, et dont le média Al Jazeera, situé à Doha est le porte-parole.
« Le Qatar est aujourd'hui le plus important bailleurs de fonds de l'islam en Europe », affirme Malbrunot. Son livre qui dresse un état des lieux de la pénétration islamiste en Europe, note que le Qatar a financé 140 mosquées et centres islamiques en Europe pour un montant de 71 millions d'euros. L'Italie est le pays qui a le plus grand nombre de projets (50). Le seul centre Al Houda de Rome a reçu 4 millions d'euros.
Tariq Ramadan, petit-fils du fondateur des Frères Musulmans, Hassan al-Banna, et en butte à plusieurs accusations de viol et d'abus sexuels, était rémunéré par le Qatar en tant que « consultant » à hauteur de 35 000 € par mois. Le complexe culturel musulman de Lausanne, en Suisse, a reçu 1,6 million de dollars. En 2015, le Qatar a fait don d'un nouveau bâtiment d'une valeur de 11 millions de livres sterling (12.76 millions d'euros) au St Antony's College d'Oxford, là où Ramadan a une chaire de professeur.
Le Qatar est également très actif en France. Selon Chesnot et Malbrunot, l'émirat a financé le Centre islamique de Villeneuve-d'Ascq et le Lycée-Collège Averroès, le premier établissement d'enseignement privé musulman sous contrat avec l'État. En 2015, ce même Lycée-Collège Averroès avait suscité l'attention des médias peu après qu'un professeur démissionnaire ait publié une tribune affirmant que l'école était devenue « un foyer d'antisémitisme et de « propagande islamiste ».
Le Qatar a également financé d'autres mosquées en France. Notamment, la Grande Mosquée de Poitiers située à proximité du site de la bataille de Tours (également appelée bataille de Poitiers), où Charles Martel, dirigeant des Francs, a mis en déroute l'armée musulmane d'Abdul al-Rahman. en l'an 732. La mosquée Assalam de Nantes et l'Institut des cultures d'islam (ICI) qui fait office de seconde grande mosquée de Paris en sont d'autres exemples.
Dans un premier livre, « Nos très chers Emirs », Chesnot et Malbrunot avaient mis en lumière les relations étroites tissées par la monarchie qatari avec l'establishment politique français. Parmi les bénéficiaires du Qatar figurait l'Institut européen des sciences de l'homme, établissement islamique proche de la branche française des Frères musulmans, qui propose des cours de théologie islamique.
Au nombre des islamistes mis en cause par Chesnot et Malbrunot, on trouve Yusuf al Qaradawi, leader religieux basé à Doha, qui a béni les attentats-suicides pendant la seconde Intifada; émis une fatwa pour tuer des Américains en Irak et a encouragé les musulmans à emprunter le chemin du djihad en Syrie et en Libye. Qaradawi a aussi appelé à la « conquête de Rome » et annoncé à la télévision égyptienne en 2013 que, sans la peine de mort contre les apostats, « l'Islam aurait disparu aujourd'hui ».
« Cela fait des années que nous alertons sur la pénétration idéologique et religieuse de Doha » a déclaré Souad Sbai, présidente du Centre d'études Averroès, d'origine marocaine. Par ses investissements et diverses opérations financières, le Qatar étend chaque jour son réseau prosélyte, causant de graves dommages aux sociétés européennes, y compris à l'Italie ». Dans le journal L'Opinione delle Libertà, Sbai a qualifié le Qatar de » loup déguisé en agneau ».
Elzir Izzedin, imam de Florence et président de l'UCOII, a admis il y a trois ans : que son organisation avait bénéficié de « 25 millions d'euros en provenance du Qatar ».
Le Qatar est également à l'origine d'une université islamique pouvant accueillir 5 000 étudiants dans la petite ville de Lecce, au sud de l'Italie.
Il y a deux ans, le Qatar a investi plus de 2,3 millions d'euros dans divers projets islamiques en Sicile ou il finance déjà plus d'une mosquée sur quatre.
Selon le président du Middle East Forum, Daniel Pipes , « Doha ne mise pas seulement sur la diaspora islamiste pour atteindre ses objectifs en Occident ; il entend exercer une influence directe sur les autorités politiques et les opinions publiques occidentales. » :
« L'imposante chaîne de télévision Al-Jazeera est devenue l'un des plus grands et des plus célèbres diffuseurs au monde. Sa section anglophone diffuse contre les ennemis du Qatar une propagande lissée, enrobée de rhétorique libérale occidentale. La dernière invention d'Al-Jazeera s'appelle AJ+, une chaîne de réseau social qui cible la jeunesse progressiste américaine. Elle diffuse des documentaires sur les maux d'Israël, de l'Arabie saoudite et de l'administration Trump entrecoupés de reportages bigarrés sur les droits des transgenres et les appels au secours émouvants des demandeurs d'asile à la frontière sud des États-Unis – programmes pour le moins incongrus de la part d'un diffuseur contrôlé par un régime wahhabite. ...
« Le Qatar cherche également à influencer l'Occident à travers ses établissements d'enseignement. La Qatar Foundation, contrôlée par le régime, verse des dizaines de millions de dollars à des écoles, universités et autres établissements d'enseignement en Europe et en Amérique du Nord au point que le Qatar est devenu le plus grand donateur étranger des universités américaines. Les fonds versés servent à financer des cours de langue arabe et des cours sur la culture du Moyen-Orient, programmes dont certains portent sans fard une marque idéologique, comme ce cours destiné aux écoles américaines et intitulé : « Exprimez votre loyauté envers le Qatar ».
Le plus grand journal italien, Il Corriere della Sera, a décrit l'activisme qatari ainsi :
« Le 24 mai, le prince cheikh Hamad Bin Nasser Al Thani, membre de la famille royale qatarie, était à Piacenza, où il a inauguré le nouveau centre islamique aux côtés des principales autorités de la ville ; le même jour, il s'est rendu à Brescia pour couper le ruban d'une mosquée qui venait d'être agrandie. Deux jours plus tard, le souriant et même prince Al Thani est réapparu à Mirandola, dans la province de Modène, pour inaugurer le nouveau centre de prière musulman, endommagé par le séisme de 2012 et remis à neuf, contrairement à l'église paroissiale de la ville. Le 28 décembre, le cheikh a été immortalisé à Vicenza, toujours à l'occasion de l'ouverture d'un centre islamique. Le 5 juin, à Saronno (Varèse), flanqué d'un vicaire épiscopal, il a coupé le ruban d'inauguration d'un lieu de prière et d'une école coranique ».
Le colonel Emilio Sanchez de Rojas, analyste à l'Institut espagnol d'études stratégiques du ministère de la Défense, a accusé le Qatar et l'Arabie saoudite de « campagnes d'influence à l'ouest ». Le Qatar finance des mégamosquées à travers l' Europe dans le but d'islamiser la diaspora européenne.
Comme le disait le député allemand et expert du Moyen-Orient, Rolf Mützenich en 2016 :
« Nous avons des indices et des preuves que les salafistes allemands obtiennent une aide officielle des gouvernements d'Arabie saoudite, du Qatar et du Koweït. Cette aide passe par le transfert de fonds, l'envoi d'imams et la construction d'écoles coraniques et de mosquées. »
The Economist a également consacré un dossier à l'assaut lancé par le Qatar sur les mosquées européennes.
En 2014, le département du Trésor américain n'a pas seulement désigné le Qatar comme l'un des financeurs d'Al-Qaïda; Doha est aussi le bailleur de fonds du Hamas, organisation terroriste palestinienne qui s'est donné pour but de détruire l'État d'Israël. En 2011, le Qatar a été loué pour le rôle qu'il a joué dans « la création d'un environnement propice au Printemps arabe », alors qu'en réalité, il soutenait les islamistes qui allaient remplacer les dictateurs laïques en Tunisie, en Libye et en Egypte.
Le Qatar a également été accusé de financer l'État islamique (ISIS). Le général Jonathan Shaw, ancien chef d'état-major adjoint de la Défense britannique, a accusé le Qatar et l'Arabie saoudite de contribuer à la propagation de l'islam radical. « Sous prétexte d'éducation religieuse, le salafisme wahhabite a allumé la mèche d'une authentique bombe à retardement mondiale. L'argent saoudien et qatari est à la manœuvre et cela doit cesser », a déclaré le Gén Shaw.
Alors que les dépenses idéologiques du Qatar en Occident se multiplient et que les musulmans radicaux infiltrent leurs démocraties, nombre d'Européens continuent de s'aveugler en vaines accusations contre le « discours de haine », le « racisme » et l' « islamophobie ».
Giulio Meotti, éditeur culturel à Il Foglio, est un journaliste et auteur italien.