Le président Recep Tayyip Erdoğan veut maintenant faire de la Turquie un État voyou doté d'armes nucléaires. (Photo de Getty Images) |
Le président islamiste Recep Tayyip Erdoğan qui, depuis 17 ans, dirige la Turquie, pays-membre de l'OTAN, a, furtivement, par petites touches, transformé l'establishment laïc et pro-occidental légué par Mustafa Kemal Atatürk en un État hostile aux intérêts occidentaux. Erdoğan veut maintenant faire de la Turquie, un État voyou doté d'armes nucléaires.
« Ils disent que nous ne pouvons pas avoir de missiles à têtes nucléaires, alors que d'autres en ont. Ceci, est bien sur inacceptable », a déclaré Erdoğan le 4 septembre 2019, oubliant que la Turquie est signataire depuis 1980 du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP). Le président turc ne parait pas gêné de déclarer publiquement qu'il envisage d'enfreindre un traité international signé par son pays. La Turquie est également signataire du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires de 1996, qui interdit au pays signataire d'organiser un quelconque essai nucléaire sur son sol, à quelque fin que ce soit.
Plusieurs décennies durant, la Turquie, fidèle allié de l'OTAN, a été considérée comme le dépositaire de confiance d'une partie de l'arsenal nucléaire américain. A partir des années 1960, les États-Unis ont stocké des ogives nucléaires dans les quatre principales bases aériennes de l'armée turque (Ankara Mürted, Malatya Erhaç, Eskişehir et Balıkesir). Si ordre leur en avait été donné, les pilotes turcs auraient frappé des cibles sur le territoire des pays membres du Pacte de Varsovie.
Sur chaque base aérienne turque, des escadrilles dédiées au largage d'engins nucléaires (les premiers F-100, suivis des F-104 et enfin des F-4s) étaient opérationnelles à chaque heure du jour et de la nuit. Chaque base hébergeait aussi une petite unité de l'armée américaine chargée du maintien du stock de têtes nucléaires. Outre ce dispositif, une base militaire américano-turque située à Incirlik, dans le sud de la Turquie, a été dotée d'ogives nucléaires qui ne peuvent être exploitées que par l'armée américaine. « Pendant la guerre froide, la Turquie a joué un rôle clé dans le dispositif de dissuasion de l'OTAN », a déclaré Yusuf Kanlı, éditorialiste et président du groupe de réflexion Sigma Turkey, basé à Ankara, le 9 septembre.
A la fin de la guerre froide, le gardiennage nucléaire confiée à la Turquie a pris fin et les ogives nucléaires (sur les quatre bases aériennes, sauf Incirlik) ont progressivement quitté le sol turc. Toutefois, à Incirlik, des ogives nucléaires sont aujourd'hui encore à disposition de l'armée américaine dans le cadre d'un traité spécial américano-turc. Ce traité fait de la Turquie le pays hôte d'une partie de l'arsenal nucléaire américain. L'accord signé par Washington et Ankara prévoit que les deux capitales doivent approuver ensemble chaque utilisation des armes nucléaires déployées à Incirlik.
Erdoğan a laissé entendre à plusieurs reprises qu'il ne dédaignerait pas de faire de la Turquie une puissance nucléaire. Dès 2008, le président turc a déclaré : « les pays qui s'opposent à l'arme nucléaire iranienne ne devraient pas en posséder non plus ». Erdogan utilisait un pluriel (« les » pays), mais en réalité, il pointait du doigt le pays qu'il détestait le plus : Israël. Pas les États-Unis.
En 2010, Erdoğan a déclaré qu'Israël représentait « la principale menace pour la paix » au Moyen-Orient. Dans le discours qu'il a tenu, Erdogan a réitéré son scepticisme sur la volonté de l'Iran d'utiliser son programme d'enrichissement pour construire des armes nucléaires. L'arsenal nucléaire non déclaré d'Israël lui semblait en revanche, a-t-il ajouté, bien plus évident.
Si la Turquie lançait, ouvertement ou secrètement, un programme d'armement nucléaire – tel parait être le souhait d'Erdoğan -, nul doute que cette initiative engendrerait un effet domino. Les rivaux régionaux de la Turquie s'inquièteraient et l'Arabie saoudite, l'Égypte, la Syrie et la Grèce pourraient réagir en s'équipant eux aussi.
Erdoğan ne devrait pas être autorisé à posséder des armes nucléaires.
Burak Bekdil, éminent journaliste turc, a été limogé du journal le plus célèbre de son pays, après 29 ans de bons et loyaux services, pour avoir écrit sur l'actualité turque sur Gatestone. Il est Fellow du Middle East Forum.