A Landskrona (au sud de la Suède ; 35 000 habitants), sept explosions ou attentats à l'explosif ont eu lieu depuis décembre 2018. En août 2019, l'entrée de l'hôtel de ville (photo) a été dynamitée. (Source image : Mrkommun / Wikimedia Commons) |
« Löfven, vous avez perdu le contrôle de la Suède ! » Ulf Kristersson, chef du parti Modéré (centre-droit), principal parti d'opposition, a, dans une tribune publiée par le quotidien Aftonbladet, accusé publiquement Stefan Löfven, premier ministre, d'avoir échoué à régler certains des plus gros problèmes de la Suède. Kristersson a écrit :
« La loi et l'ordre ainsi que l'intégration, sont pour nous [parti Modéré], deux domaines hautement prioritaires. C'est là que se situent les problèmes les plus graves de la Suède.
« L'année dernière, 306 coups de feu ont été tirés et 45 personnes ont perdu la vie. Selon la police, le nombre de personnes assassinées a doublé depuis 2014. Au cours de la même période, le nombre de personnes victimes d'abus sexuels a triplé selon le BRÅ [Conseil suédois de la prévention du crime] ...
« Des réformes sont nécessaires. Mais quand nous les avons proposées - les sociaux-démocrates y ont fait opposition ...
« Simultanément, nous sommes confrontés à une crise de l'intégration : plus de la moitié des chômeurs sont nés en dehors de la Suède. Dans certaines écoles de nos zones d'exclusion [utanförskapsområden], plus de la moitié des élèves échouent dans toutes les matières. Nombre d'enfants nés en Suède parlent à peine le suédois et la culture de l'honneur engendre une atmosphère répressive. Là encore, nous avons appelé à des réformes, mais les sociaux-démocrates y ont fait opposition.
« L'intégration et l'immigration sont liées. Une politique d'immigration restrictive est nécessaire sur le long terme. Concernant le regroupement familial, des permis de séjour temporaires doivent être mis en place et l'autosuffisance financière doit être exigée.
« Une bonne connaissance de la langue suédoise et l'autosuffisance financière [devraient être des conditions de base] pour l'obtention d'un permis de séjour permanent. »
Des propos tels que ceux de Kristersson démontrent que les milieux politiques sont pleinement conscient des problèmes fondamentaux de la Suède. Pareille critique sans concession est aussi significative de l'évolution du parti Modéré : Frederik Reinfeldt, prédécesseur de Kristersson, premier ministre de 2006 à 2014 et président du parti modéré de 2003 à 2015, ne partageait aucune des préoccupations de son successeur. En 2014, Reinfeldt a même exhorté les Suédois à « ouvrir leur cœur » aux réfugiés de toute la planète :
« Je demande au peuple suédois d'avoir de la patience. Et de faire preuve de solidarité avec le monde extérieur ... Ainsi, sur le long terme, nous créerons un monde meilleur ... Cela coûtera de l'argent, nous ne pourrons pas nous permettre de dépenser plus que nous ne le faisons déjà, mais [nous avons affaire] à des gens qui fuient pour demeurer en vie. »
Kristersson, contrairement au gouvernement suédois actuel, semble avoir pris conscience de la réalité de la Suède.
L'une de ces réalités, indique l'Agence suédoise de protection civile (MSB) – un service de l'État chargé de protéger la population et de parer aux situations d'urgence - est que le terrorisme menace désormais en permanence l'ensemble du territoire. Même les plus petites des municipalités doivent y être préparées.
Jonas Eriksson, responsable de la sécurité de l'environnement public du MSB affirme « que dans les petites villes, chacun doit être conscient du risque terroriste... Chaque municipalité doit lister ses sites sensibles ». Cette déclaration a eu lieu après que la police ait réussi à empêcher un attentat à Östersund en août dernier. Selon Aftonbladet, le suspect avait prévu d'écraser des passants à l'aide d'une voiture bélier. La police enquête aujourd'hui sur ses liens avec Rakhmat Akilov, un terroriste qui, en avril 2017, avait précipité un camion à l'intérieur d'un grand magasin du centre de Stockholm, tuant au passage cinq personnes.
De janvier à fin juillet 2019, 120 attentats à la bombe ont été commis en Suède, selon les statistiques de la police. Ce chiffre représente une augmentation de 45% par rapport à la même période l'an dernier (83 attaques à la bombe « seulement »). Le sud de la Suède a été particulièrement touché, avec 44 attentats à la bombe. « Les raisons de cet emballement sont pour l'instant matière à spéculation. Nous avons un problème croissant de criminalité et d'exclusion », a déclaré Petra Stenkula, inspecteur-chef de la région de police sud. « Mais, il est aussi possible que le marché de la dynamite soit simplement plus dynamique que le marché des armes. »
A Landskrona, au sud de la Suède - 35 000 habitants environ - sept explosions ou attentats à l'explosif ont eu lieu depuis décembre 2018. En août dernier, un paquet de dynamite a dévasté l'entrée de l'hôtel de ville.
« Ceux qui agissent ainsi entendent désorganiser la société ; nous ne les laisserons pas faire », a déclaré Torkild Strandberg, membre du Parti libéral élu au conseil municipal.
En août, une autre ville du sud de la Suède, Linköping, a subi sa deuxième explosion de l'année. La police a trouvé un colis abandonné suspect. Au moment où l'équipe nationale de protection contre les bombes a tenté de le détruire, une puissante explosion a eu lieu. Un entrepôt de la police a été détruit et plusieurs autres bâtiments ont été endommagés. Début juin, à Linköping encore, une explosion a eu lieu au sein d'un immeuble résidentiel. Personne n'a été tué, mais 20 personnes ont été blessées. La police attribue l'évènement à un conflit entre gangs.
Ces atteintes continues à la sécurité et à l'ordre public se sont traduites par une hausse considérable de la demande en services de sécurité de la part des entreprises privées et des municipalités (gardes et dispositifs électroniques). Selon Hans Tjernström, responsable de la communication du syndicat patronal de la distribution, une surface commerciale moyenne dépense environ 600 000 couronnes suédoises (56 000 euros environ) par an en gardes et autres dispositifs de sécurité. Selon une source professionnelle, les sociétés de sécurité auront besoin de recruter 5 300 employés supplémentaires au cours des trois prochaines années.
Le viol et les agressions sexuelles se poursuivent également à un rythme soutenu. Rien qu'à Uppsala, une pittoresque ville universitaire suédoise, 80% des jeunes filles et étudiantes affirment ne pas se sentir en sécurité dans le centre-ville. Début aout, quatre viols ou tentatives de viol ont eu lieu en quatre jours. À Stockholm, en août également, deux viols ont eu lieu pendant le festival « Nous sommes Stockholm », ainsi qu'une douzaine d'autres agressions sexuelles. Lors du festival d'été « Danses et Rires » à Piteå, un viol a eu lieu qui a impliqué dix hommes au moins.
Dans une tribune à Aftonbladet, Josefin Malmqvist, députée du parti Modéré, a exhorté Morgan Johansson , ministre de la Justice et ministre de la politique migratoire, à « Arrêter les viols et à cesser d'abandonner les femmes ». Malmqvist a écrit :
« L'exposition au crime sexuel a fortement augmentée depuis la nomination de Morgan Johansson au portefeuille de ministre de la justice : en 2018, pour la troisième année consécutive, 20 viols ont été déclarés chaque jour. Soit une hausse de 14% par rapport à l'année précédente... En Suède - l'un des pays les plus égalitaires du monde - la liberté des femmes diminue. Que les femmes perdent progressivement la liberté de se déplacer dans les rues et autres lieux publics en raison du risque d'agression est une grave entrave à leur liberté et à leur capacité d'autodétermination. Les femmes sont plus nombreuses qu'avant à dénoncer les agressions sexuelles dont elles sont victimes, mais le taux de résolution des viols demeure effroyablement bas. Les statistiques sont là pour le prouver, 5 viols déclarés sur 100 mènent à une condamnation. »
Elle a conclu :
« Il faut cesser de parler et agir. Le parti Modéré et le parti Démocrate-Chrétien ont augmenté le budget de la police, mais beaucoup reste à faire. En mai 2018, une majorité de parlementaires a approuvé la proposition de loi du parti Modéré de durcir les peines pour viol. Mais depuis, rien n'a changé. Il est grand temps que le ministre de la justice se mobilise en faveur des femmes suédoises. »
Les enfants ont également à souffrir des carences de l'ordre public en Suède. Selon le BRÅ, le nombre de vols qualifiés signalés sur les moins de 18 ans a considérablement augmenté, passant de 1 084 vols qualifiés en 2015 à 1 896 en 2018, soit une augmentation de 75% sur trois ans. Depuis le début de 2019, 1 247 vols qualifiés contre des jeunes ont déjà fait l'objet d'un rapport de police. Selon Sven Granath, un criminologue de la police suédoise, l'augmentation du nombre de vols qualifiés contre les jeunes s'explique par le fait qu'il est devenu plus difficile de voler des personnes âgées ou des magasins. « En raison de ces difficultés, les agresseurs s'en prennent à un groupe qui peut difficilement se protéger. Certains jeunes ont ce que d'autres jeunes veulent, à savoir des cyclomoteurs, des téléphones et des bijoux », a déclaré Granath.
Le Premier ministre Löfven semble en effet, avoir totalement perdu le contrôle de la Suède.