Le mois dernier, le Wall Street Journal a publié un entretien avec Patrick Calvar, directeur général de la sécurité intérieure (DGSI) en France. « La confrontation est inévitable », a déclaré M. Calvar. Sur sept millions de musulmans, la France compte 15.000 Salafistes « dont le credo radical fondamentaliste est dominant au sein de plusieurs quartiers à forte population musulmane, notamment à la périphérie de villes comme Paris, Nice ou Lyon. Ils prêchent la guerre civile et leurs prédicateurs appellent les musulmans à anéantir les mécréants dans la rue ».
Ces salafistes défient ouvertement le mode de vie qui prévaut en France et ne font pas mystère de leur volonté de renverser l'ordre existant en Europe par la violence, les attaques terroristes et l'intimidation physique. Mais si la menace islamiste en Europe se réduisait aux Salafistes, elle serait facile à vaincre.
Une autre menace existe, bien plus dangereuse, car plus difficile à vaincre. Une menace à laquelle l'hebdomadaire Valeurs Actuelles a donné le nom de « conquête tranquille ». Soit le « projet de l'islam « modéré » de produire de la soumission. « Son ambition est claire : changer la société française. Lentement mais surement ».
Dans Soumission, le roman de Michel Houellebecq, la menace est personnifiée par Mohammed Ben Abbes, le musulman « modéré » qui devient président de la République française et entreprend d'imposer l'islam comme religion officielle. Et par où le Président Ben Abbes démarre-t-il le processus d'islamisation ? Par la Sorbonne. Une université prestigieuse à laquelle le Qatar vient de faire don d'une somme importante pour parrainer l'éducation des migrants.
En France, cette conquête tranquille prend le visage de l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), une organisation qu'un rapport du Centre Simon Wiesenthal accuse d' « antisémitisme, de soutien et de financement du terrorisme et d'appel au djihad. »
Non seulement « l'UOIF n'encourage pas à l'intégration des musulmans en France », indique le rapport, mais « il représente un laboratoire pour l'élaboration des positions islamistes les plus radicales ».
En Italie, cet « islam modéré », est incarné par l'Unione delle comunità e organizzazione islamiche (UCOII). Cette organisation islamique, la plus grande et la plus influente de la péninsule, a parrainé la candidature de la première conseillère musulmane de Milan, Sumaya Abdel Qader, candidate voilée de la coalition de centre-gauche. Le mari de Qader, Abdallah Kabakebbji, a ouvertement appelé à la destruction de l'Etat d'Israël : « une erreur historique, une escroquerie », a-t-il écrit sur sa page Facebook. Sa solution ? « Ctrl + Alt + Suppr ».
Qader l'a emportée sur une candidate musulmane réellement modérée, la militante somalienne non voilée, Maryan Ismail. J'ai rencontré Mme Ismail à Milan, lors d'un forum pro-israélien. Après avoir perdu l'élection, elle a rompu avec le Parti démocrate italien dans une lettre ouverte : « Le Parti démocrate a choisi de dialoguer avec l'islam obscurantiste. Une fois de plus, les voix plurielles et inclusives de l'islam moderne n'ont pas été entendues ».
Prenez deux « stars » de cet « islam modéré » français. Le premier est Tariq Ramadan, petit-fils de Hassan al-Banna, fondateur des Frères Musulmans, dont la devise est: « Allah est notre objectif, le Prophète est notre chef, le Coran est notre loi; Le djihad est notre chemin ; mourir dans la voie d'Allah est notre plus grand espoir ».
Ramadan ne se cache pas à Raqqa, ni ne tire sur les citoyens français. Il aurait même déposé une demande pour obtenir la citoyenneté française. Son bureau est en banlieue parisienne, à Saint-Denis; il a écrit 30 livres et deux millions de personnes le suivent sur Facebook. Ramadan a des chaires dans plusieurs universités de par le monde : il est directeur du Centre de recherche en droit islamique à Doha (Qatar) et président de l'European Muslim Network. Il fait campagne publiquement pour l'islam aux côtés de l'ancien Premier ministre italien, Massimo d'Alema. Ramadan a récemment expliqué sa vision pour l'Europe et la France: « L'islam est une religion française et la langue française, une langue de l'islam ».
Le projet de Ramadan n'est pas la création d'un islam européen, mais de rendre inéluctable l'islamisation de l'Europe. Il milite contre l'intégration des musulmans dans la culture et la société française. Quelques jours avant l'élection de Milan, Ramadan était en Italie pour soutenir la candidature de Sumaya Abdel Qader.
La seconde « star » française est Dalil Boubakeur, recteur de la Grande Mosquée de Paris. En 1989, Boubakeur a justifié la fatwa de l'ayatollah Khomeiny qui condamnait Salman Rushdie à mort. En 2002, il a témoigné contre l'écrivain Michel Houellebecq. En 2006, il a poursuivi Charlie Hebdo en justice après la publication des caricatures danoises de Mahomet. L'an dernier, Boubakeur a plaidé pour un « doublement » du nombre de mosquées en France et suggéré que les églises désaffectées soient converties en mosquées.
Au Royaume-Uni, les grandes organisations musulmanes ont mis en place une « justice islamique » à travers plus de 85 tribunaux de la charia, chacun rattaché à une mosquée. Divorce, polygamie, adultère et violence conjugale sont les sujets qui, parmi d'autres, contribuent à la formation d'une jurisprudence islamique. En Allemagne, le vice-chancelier Sigmar Gabriel a critiqué l'Arabie Saoudite pour son rôle dans le financement de l'extrémisme islamique en Europe. Le même royaume saoudien a, l'an dernier, offert de construire 200 nouvelles mosquées en Allemagne.
Le Qatar, et son mégaphone audiovisuel Al Jazeera, fait preuve d'un dynamisme certain dans la promotion du radicalisme des Frères Musulmans en Europe. La famille royale du Qatar, a, en 2015, fait don de 11 millions de livres (12,7 millions d'euros) au St. Anthony Collège d'Oxford où enseigne Tariq Ramadan. Le même Qatar a aussi annoncé qu'il était prêt à dépenser 65 millions de dollars (57,4 millions d'euros) pour financer l'activité économique dans les banlieues françaises, ou réside la grande majorité des six millions de musulmans de France
Aujourd'hui, en Europe, plusieurs scénarios sont possibles. A commencer par le pire : une guerre civile que de nombreuses personnes évoquent, y compris Patrick Calvar, directeur général de la sécurité intérieure (DGSI) en France. A travers la multiplication des attentats, l'État islamique cherche à déclencher une répression aveugle qui poussera la population musulmane à se solidariser avec la minorité révolutionnaire. Mais, pire que le pire serait peut-être que rien ne se passe et que tout continue comme avant.
La fin justifiant les moyens, l'État islamique a le même objectif que la plupart des autres acteurs du soi-disant « islam modéré» : la soumission à la charia. Nombreux sont les « musulmans dits modérés » qui, s'ils ne commettent pas eux-mêmes d'actes violents, les soutiennent volontiers. Ils les soutiennent en se taisant. Quand ils daignent s'exprimer, ils le font en termes codés, affirmant par exemple qu'ils sont «contre le terrorisme», ou qu'ils craignent que le terrorisme islamique ne déclenche un « retour de bâton » dont ils seraient, eux, les victimes.
La violence djihadiste n'est pas le seul moyen de transformer l'Europe, et peut même se révéler contre-productive car elle peut provoquer le réveil des nations attaquées. Des moyens souples et plus discrets, tels que la pression sociale et la propagande, sont tout aussi dangereux, et peut-être plus efficaces : certains sont même difficiles à voir, comme l'acceptation par les pays occidentaux d'un double système légal et judiciaire ; ou comme l'existence d'une finance charia compatible (quel effet une « finance nazie » qui aurait capté l'ensemble des transactions financières dans le but de renforcer le Troisième Reich, aurait pu avoir sur la Seconde Guerre mondiale ?) ; ou encore comme la prolifération des mosquées et des sites Internet islamistes. Même s'il existe de vrais et nombreux « musulmans modérés », il en existe aussi beaucoup qui ne le sont pas.
Pour les musulmans conservateurs, tout musulman qui n'accepte pas l'intégralité du message d'Allah - le Coran dans son entier - n'est pas un vrai musulman, et mérite d'être traité d' « apostat », ce qui équivaut à une condamnation à mort. Selon le fameux théologien sunnite, Yusuf al-Qaradawi, basé au Qatar, « S'ils [ les musulmans] avaient renoncé à punir de mort les apostats, l' islam n'existerait plus aujourd'hui ».
Voilà pourquoi l'écrivain Oriana Fallaci a déclaré au magazine The New Yorker : « Je n'accepte pas le mensonge du soi-disant islam modéré ». Car les vrais « musulmans modérés » sont soit réduits au silence, soit assassinés.
La pensée islamique dominante pourrait se résumer ainsi : « chers Européens, continuez de penser à une réduction de la durée du travail, à la retraite anticipée, à l'avortement à la demande et à l'adultère l'après-midi. Avec vos lois, nous vous vaincrons ; avec nos lois, nous vous convertirons ».
Giulio Meotti, journaliste culturel pour Il Foglio, est un auteur et journaliste italien.