Les élections nationales viennent de s'achever aux Pays-Bas. Une campagne autrement plus importante démarre maintenant : qui va défendre ces libertés qui ont fait la réputation des Pays Bas ?
Il n'y a qu'aux Pays-Bas, qu'un homme politique comme Geert Wilders, un franc-tireur courageux puisse être condamné à vivre depuis 13 ans, 24 heures sur 24, sous protection policière ; ll ne peut tenir de réunions politiques que sous couvert d'un gilet pare-balles; il est obligé de se déplacer d'un endroit secret à l'autre et sa vie est protégée comme s'il était un potentat asiatique. Le pays a déjà subi deux assassinats politiques en lien avec l'islam : l'homme politique Pim Fortuyn, et le cinéaste, Theo van Gogh. Une autre député néerlandaise, Ayaan Hirsi Ali - dont le nom, figurait avec celui de Wilders, sur une liste de cibles épinglée au couteau sur le cadavre de van Gogh – s'est enfuie aux Etats-Unis. Seule la protection généreusement fournie à Wilders, par le gouvernement néerlandais, a jusqu'ici empêché un troisième assassinat politique.
Les Pays Bas ont déjà subi deux assassinats politiques en lien avec l'islam : le politicien Pim Fortuyn (gauche), et le cinéaste, Theo van Gogh (droite). (Image sources: Van Gogh - Wikimedia Commons; Fortuyn - Forza! Nederland video screenshot) |
C'est aux Pays–Bas que le philosophe Baruch Spinoza est devenu le prophète de la tolérance, que Karl Marx a mené des recherches sur le capitalisme et que John Locke a écrit sa « Lettre sur la tolérance ». Les principaux médias du pays ont pourtant affirmé que les gains électoraux de Wilders et le brusque « tournant populiste » du Premier ministre Mark Rutte (il a déclaré en janvier que les immigrants devaient « se comporter normalement ou partir ») ont représenté une trahison de la traditionnelle tolérance néerlandaise. Or, c'est exactement le contraire qui est vrai.
Le libéralisme néerlandais doit puiser dans la tolérance sa volonté de lutter contre l'intolérance. Tolérer l'intolérance épuise la tolérance et ne permet pas qu'elle perdure. Or les multiculturalistes hollandais ont inversé leur héritage cul par-dessus tête. Ils se considèrent comme des « fondamentalistes des Lumières », portant haut les valeurs des Lumières - même dans le monde islamique.
La question qui se pose est aujourd'hui la suivante : les Néerlandais vont-ils commencer à défendre leurs libertés ou continuer à les démanteler progressivement ? Le ministre néerlandais de la Justice Piet Donner a récemment suggéré d'introduire la charia islamique aux Pays-Bas par des moyens démocratiques.
La tradition hollandaise d'un libéralisme sans concession remonte à Pim Fortuyn, un homosexuel fier de la soi-disant « décadence » de son pays, de la tolérance et des libertés qui y régnaient. Comme le soulignait récemment le journaliste britannique Alexander Chancellor :
« Les musulmans fanatiques fustigent la décadence de l'Occident et nombreux sont ceux qui à l'ouest, plaident coupable. Mais Fortuyn lui, pensait le contraire. Il a mené une croisade pour défendre ces libertés que beaucoup nomment décadence, tant il craignait qu'elles dépérissent ».
Fortuyn situait la permissivité au cœur de la culture occidentale. Il était de ces « libéraux inflexibles », qui militaient pour la défense d'un post-11 septembre judéo-chrétien, pour les valeurs occidentales contre l'intolérance islamique, à la manière d'Oriana Fallaci, Bat Ye'or, Michel Houellebecq et Geert Wilders.
A l'issue des élections nationales qui ont eu lieu la semaine dernière, il est temps que les Pays-Bas redécouvrent l'héritage et les idées de Pim Fortuyn. Cet homosexuel flamboyant au crâne rasé qui enseignait la sociologie, portait d'élégants costumes italiens et vivait dans un palais à Rotterdam, a écrit un grand livre intitulé « L'islamisation de notre culture ». Il prônait la résistance à l'islam, et se prononçait même, dans une interview donnée au Dagblad de Rotterdam, pour « une guerre froide. »
« Vous avez dit », a rapporté le journal Volkskrant dans une interview, « que les étrangers se ruent sur toutes nos femmes blondes, puis s'en détournent en les traitant de « putains ». « Non », a calmement corrigé Fortuyn. « Je dis que les hommes musulmans agissent ainsi. Ce n'est pas la même chose, monsieur, que les « étrangers ». Ensuite, le Volkskrant a demandé, dans ce qui allait devenir le moment décisif de la vie de Pim Fortuyn, « pourquoi cette haine envers l'islam ? ». « Je ne déteste pas l'islam », a répliqué Fortuyn. « Je trouve cette culture arriérée, j'ai beaucoup voyagé ; et partout où les règles de l'islam s'appliquent, la situation est épouvantable ».
Les suprémacistes islamiques des Pays-Bas se considèrent comme des « rédempteurs » qui ont entrepris de sauver l'Ouest de la « décadence » incarnée par Fortuyn : la drogue, la prostitution, le style de vie gay, une presse blasphématoire. L'establishment néerlandais entreprendra-t-il, lui, de sauver ces libertés ?
La « décadence » d'une culture nationale peut s'avérer mortelle quand elle vire à l'hédonisme, à la dévirilisation, au déclin de l'éducation, et à la perte de mémoire historique. Quand ils évoquent la « décadence », les suprémacistes islamiques ne mettent pas seulement en cause la permissivité néerlandaise ; ils semblent y inclure toutes les libertés occidentales. Mais ces libertés sont précisément tout ce dont nous devrions être fiers. Ce sont elles qu'il faut protéger quitte à nous battre s'il le faut. Fortuyn s'est battu, et en a payé le prix : il y a laissé la vie. Theo van Gogh s'est également battu en faisant un film sur la soumission des femmes dans l'islam. Peu après que van Gogh ait été abattu par Mohammed Bouyeri, le film a immédiatement disparu des écrans de cinéma et de télévision.
La gauche libérale hollandaise a également besoin de redécouvrir ses racines. Un débat sur l'intégration avait été lancé aux Pays-Bas, en 2000, non par les partis « xénophobes » de droite, mais par Paul Scheffer, un universitaire respecté du Parti travailliste. Scheffer avait à l'époque publié un essai intitulé « Le Désastre Multiculturel » - et ce avant même que Fortuyn et Wilders n'interviennent dans le paysage politique. Scheffer a écrit que le peuple néerlandais en raison de politiques multiculturelles laxistes avait échoué à promouvoir la culture néerlandaise dans les communautés immigrées. Malheureusement, la gauche hollandaise a agi à l'inverse et a tenté de s'adapter aux cultures étrangères vivant sur son sol, ce qui explique qu'elle ait été sévèrement battue aux dernières élections.
Le parti de Mark Rutte a aussi beaucoup à apprendre d'un libéralisme plus doctrinal. Ce sont les libéraux qui ont mis en pratique certaines des idées de Fortuyn : l'interdiction de la burqa, qui pour de nombreux musulmans est un gage de « protecton » de leurs femmes, mais qui pour d'autres est un symbole de subordination des femmes au nom de l'islam. La fermeté du premier ministre Rutte face aux ingérences de Turquie dans la vie néerlandaise semble impensable dans d'autres pays européens : Rutte, craignant une victoire de Wilders, a réaffirmé l'indépendance de son pays et a refusé que les ministres du président turc Erdogan viennent faire campagne à Rotterdam.
En France, les pouvoirs publics ont autorisé ces rassemblements turcs, et ont affiché ainsi leurs craintes face à l'islam politique. Rutte et les Hollandais seraient sages de conserver le cap, celui qui a permis à Rutte d'être en position de former un nouveau gouvernement. Le conservatisme budgétaire a des vertus, mais les valeurs occidentales n'en sont pas dénuées non plus.
Après l'assassinat de Fortuyn, Wilders s'est positionné en tant que « défenseur du libéralisme » : soit l'égalité entre les sexes, la séparation de l'Église et de l'État, et l'autonomie individuelle. Mais contrairement à de nombreux libéraux aux États-Unis et au Canada, Wilders a affiché sa volonté de ne rien céder à l'islam sur les libertés. Les libéraux et les féministes aux États-Unis refusent de défendre les droits des femmes dans le monde musulman. Jamais ils ne posent la question de la séparation de la mosquée et de l'État. Au lieu de cela, ils ont reproché au magazine satirique Charlie Hebdo, la liberté d'expression qui a été à l'origine du carnage de janvier 2015.
Les « libéraux durs » de Hollande pensent-ils jamais à la courageuse bataille qu'Ayaan Hirsi Ali mène pour les droits des femmes dans l'islam, à Theo van Gogh et d'autres journalistes néerlandais, ou à la croisade que Wilders mène pour protéger le pays contre l'intolérance islamiste ?
Pourquoi les militants LGBT ne condamnent-ils pas les crimes de l'islam, comme Pim Fortuyn l'a fait ? Le rédacteur en chef d'un magazine LGBT au Bangladesh a été assassiné à la machette par les islamistes ; comment se fait-il que personne de la communauté LGBT en Occident n'ait évoqué cet événement, et moins encore condamné ? Pourquoi les militants homosexuels ont-ils gardé le silence sur les meurtres d'homosexuels par les islamistes surtout après qu'un terroriste musulman ait, en Floride, massacré 50 d'entre eux ?
Vous pouvez être gay, décadent et prêt à vous battre pour votre liberté. Si vous êtes seulement gay et décadent, vous êtes fichus.
Han ten Broeke, candidat au poste de ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement Rutte, a récemment justifié l'interdiction du territoire néerlandais aux ministres turcs en rappelant qu'Erasmus est venu aux Pays - Bas « parce que c'était un refuge pour la liberté de pensée ». Cette tolérance érasmienne bat encore très fort au cœur de l'identité néerlandaise, mais la présence sur le sol néerlandais, de non-européens, de musulmans intolérants ne cesse d'en tester les limites. Les libertins et libertaires néerlandais en ligne avec Fortuyn et Wilders ne paraissent pas prêts à se suicider, contrairement aux libéraux du Middlebury College aux États - Unis, que l'on voit surtout préoccupés de lyncher le moindre conservateur qui s'aventure sur leur campus.
Les Hollandais et les Européens devraient être fiers de ce que les fondamentalistes islamiques appellent la « décadence », mais ils doivent aussi être prêts à la défendre. Des « Espaces protégés » ne suffisent pas. Le monde n'en fournit aucun. S'ils n'agissaient pas, ils finiront tous dans l'une de ces « maisons sécurisées » ou les tourmenteurs puritains de Geert Wilders l'obligent à passer sa vie. « Je suis en prison », a-t-il dit ; Eux se promènent librement ».
Giulio Meotti, journaliste culturel à Il Foglio, est un auteur et un journaliste italien.