Deux médecins du Michigan originaires d'Inde et la femme de l'un d'eux ont, le 22 avril dernier, été traduits devant un grand jury pour se défendre de l'accusation de mutilation génitale sur deux petites filles de sept ans. Les avocats ont axé leur défense sur le droit à la liberté religieuse de leurs clients musulmans.
Les accusés sont membres de Dawoodi Bohra, une secte islamique indienne. Dans cette affaire fédérale, la première du genre depuis l'interdiction des mutilations génitales féminines (MGF) en 1996, la défense a basé son argumentation sur le fait que cette pratique est un rituel religieux qui, en tant que tel, doit être protégé par la loi américaine.
Un plaidoyer qui éclaire involontairement – mais crûment - les déclarations mensongères de personnalités musulmanes - comme Reza Aslan, le médiatique expert religieux irano-américain et Linda Sarsour, l'activiste palestino-américaine - qui affirment avec insistance que les mutilations génitales féminines (MGF) « ne sont pas une pratique islamique ».
La mutilation génitale féminine, ou circoncision féminine, est définie par l'ablation du clitoris et / ou des grandes lèvres du vagin. Le but de cette pratique est d'éliminer tout désir et plaisir sexuels chez une femme afin qu'elle arrive vierge au mariage et demeure fidèle à son époux par la suite.
L'Organisation mondiale de la santé ajoute :
Les mutilations sexuelles féminines sont des interventions qui altèrent ou lèsent intentionnellement les organes génitaux externes de la femme pour des raisons non médicales.
Ces pratiques ne présentent aucun avantage pour la santé des jeunes filles et des femmes.
Elles peuvent provoquer de graves hémorragies et des problèmes urinaires, et par la suite des kystes, des infections, la stérilité, des complications lors de l'accouchement, et accroître le risque de décès du nouveau-né.
On estime que plus de 200 millions de jeunes filles et de femmes, toujours en vie, ont été victimes de mutilations sexuelles pratiquées dans 30 pays africains, du Moyen Orient et de l'Asie où ces pratiques sont concentrées.
Chaque année, près de trois millions de femmes sont en danger en raison de telles pratiques.
L'immigration de masse de personnes originaires d'Afrique, du Moyen Orient et d'Asie dans les pays occidentaux a entraîné une dramatique et dangereuse augmentation des MGF en Europe, en Grande-Bretagne et aux États-Unis. Selon les statistiques du National Health Service, pas une heure ne passe sans qu'une fillette soit atrocement mutilée au Royaume-Uni seulement - et ce, 30 ans après l'interdiction de telles opérations.
Un rapport de la Commission européenne a également estimé qu'environ 500 000 femmes en Europe ont subi une MG, et que de nombreuses autres sont à risque. En Allemagne, par exemple, une clinique a été ouverte en 2013 pour fournir une réparation physique et psychologique aux victimes de mutilations génitales. Environ 50 000 femmes résidant en Allemagne sont concernées dont 20 000 à Berlin. Cette clinique baptisée Centre de la fleur du désert, a été lancée et financée par l'actrice et mannequin somalienne Waris Dirie, devenue également une activiste anti-MGF.
L'actrice et mannequin somalienne Waris Dirie, militante anti MGF, a dirigé et financé le Desert Flower Center, une clinique allemande qui offre une réparation physique et psychologique aux victimes de mutilations génitales féminines. (Photo de Carlos Alvarez / Getty Images) |
Le 15 mai, suite à l'affaire des médecins mutilateurs du Michigan, la Chambre des représentants du Minnesota et le Sénat du Michigan ont voté une loi qui étend à leurs États les peines fédérales promises aux parents qui soumettent leurs filles à ce rituel. Bien logiquement, les mères et pères sont responsables des mutilations subies par leurs filles - ou, la grand-mère comme ce fut le cas pour Ayaan Hirsi Ali, écrivain d'origine somalienne.
Dans une interview donnée au journal britannique l'Evening Standard en 2013, Hirsi Ali - une musulmane qui a abjuré sa foi et qui est devenue une implacable critique de l'islam et de la charia, pour tout ce qui touche les femmes notamment - explique pourquoi il est si difficile de poursuivre les membres de la famille impliqués dans les MGF :
« Cela m'a été fait à l'âge de cinq ans, et 10 ans plus tard, et même 20 ans plus tard, je n'aurais jamais témoigné contre mes parents », a-t-elle déclaré. « C'est un problème psychologique. Les gens qui font cela sont des pères, des mères, des grand-mères, des tantes. Aucune petite fille ne les enverra en prison. Comment peut-on vivre avec cette culpabilité ? »
Le problème qui est posé – et qu'il faut aborder parallèlement à la pénalisation – est celui d'un multiculturalisme occidental devenu fou. La décision de la spécialiste santé et science du New York Times, Celia Dugger, de cesser d'utiliser le terme « mutilation génitale féminine » parce qu'il est « connoté au plan culturel » n'est qu'un exemple parmi d'autres.
« Il existe un fossé entre les occidentaux (et aussi certains africains) qui militent contre ces pratiques et les personnes qui obéissent au rite, et il m'a semblé que les mots utilisés élargissaient ce gouffre », a-t-elle écrit.
Les MGF ne sont pas un crime moins épouvantable que le viol ou l'esclavage. Mais les féministes autoproclamées en Occident - y compris des musulmanes comme Linda Sarsour et les croisés non musulmans de l'« anti-islamophobie » - gardent le silence face à ces pratiques barbares ou nient leur lien avec l'islam. Celia Dugger soutient-elle l' esclavage, une autre pratique revendiquée par l'islam et pratiquée encore aujourd'hui en Arabie Saoudite, en Libye , en Mauritanie et au Soudan, ainsi que par l'Etat islamique et Boko Haram ?
Les législations anti MGF sont importantes mais pas suffisantes. Le temps est venu d'être vigilant non seulement contre les mutilateurs et les familles qui y ont recours, mais aussi pour dénoncer et discréditer quiconque tente de protéger cette brutalité.
Khadija Khan est journaliste et éditorialiste pakistanaise, actuellement basée en Allemagne.