Huawei Technologies, géant chinois des télécommunications, n'a aucun moyen de s'opposer aux demandes de Pékin de collecter des informations de manière illicite. D'abord parce que Pékin contrôle Huawei. Ensuite, parce que dans le système pyramidal du Parti communiste, personne ne peut résister à un ordre du sommet. (Photo par Kevin Frayer / Getty Images) |
Mardi 9 juillet, le secrétaire d'Etat américain au Commerce, Wilbur Ross, a cadré les dérogations qui seraient accordées aux ventes de matériel et licences accordées au géant chinois des télécommunications Huawei Technologies.
À la fin du mois dernier, le président Donald Trump avait publiquement promis d'accorder à la société chinoise un sursis par rapport aux nouvelles restrictions appliquées par les États-Unis.
Cette annonce de Trump après sa rencontre avec le dirigeant chinois Xi Jinping à l'issue du sommet du G20 à Osaka, était une erreur stratégique. C'était aussi une humiliation pour les États-Unis, presque une reconnaissance de la suprématie de Pékin.
Le 16 mai, le ministère américain du Commerce a inscrit les sociétés du groupe Huawei, premier fabricant mondial d'équipements de réseau et deuxième fabricant de smartphones, à son Entity List (Liste des Entités). Ce label signifie qu'aucune entreprise américaine n'est autorisée à vendre, directement ou sous licence, des produits et technologies Huawei visés par la réglementation EAR des exportations (US Export Administration Regulations), sans l'approbation préalable du Bureau de l'industrie et de la sécurité.
Beijing a bien entendu demandé à l'administration Trump de retirer Huawei de sa Liste des Entités. Le 27 juin, le Wall Street Journal a annoncé que le retrait de Huawei de la liste des entités était l'une des trois principales conditions préalables à la conclusion d'un accord commercial global.
Trump, aussi étrange que cela paraisse, a accédé à la demande de Pékin. A sa conférence de presse du 29 juin, le président américain a annoncé qu'il accordait un sursis.
Trump n'a pas précisé la durée du sursis, et bien des responsables gouvernementaux ont ensuite, tenté d'amoindrir les propos du Président. Le conseiller au commerce Peter Navarro, par exemple, a déclaré début juillet à CNN que les ventes de Huawei pour ses produits 5G - 5G désigne la cinquième génération de communication sans fil - seraient interdites. Auparavant, il avait été suggéré d'accorder une dérogation aux smartphones Huawei.
Des dérogations devraient-elles être accordées ? « C'est leur mécanisme d'espionnage », a déclaré à Fox News la sénatrice Marsha Blackburn (R-TN). Elle parlait bien sûr de Huawei .
Elle a raison. Huawei n'a aucun moyen de s'opposer aux demandes de Pékin de collecter des informations de manière illicite. Tout d'abord parce que Pékin contrôle Huawei. L'entreprise basée à Shenzhen plaide qu'elle est « la propriété de ses employés », mais il s'agit d'une fable. Le fondateur, Ren Zhengfei, est propriétaire de 1% du capital, mais le reste est détenu par l'État. De plus, dans le système pyramidal du Parti communiste, personne ne peut résister à un ordre venu du sommet de la pyramide. En outre, les articles 7 et 14 de la loi sur le renseignement national chinois, promulguée en 2017, obligent les ressortissants et les entités chinois à espionner si les autorités compétentes en font la demande. Ren a beau plaider que Huawei n'espionne personne, cette affirmation, compte tenu de ce qui précède, n'a aucune crédibilité.
D'autant que Huawei a été impliquée dans le vol de technologie presque depuis ses origines en 1987. La société a été construite sur une technologie volée de Cisco Systems et de récentes affaires montrent que Huawei n'a jamais cessé de voler. En janvier, le ministère de la Justice a dévoilé que plainte avait été déposée à l'encontre de Huawei pour vol de la propriété intellectuelle de T-Mobile. Selon Bloomberg, le FBI enquête le vol présumé par Huawei de la technologie du verre pour smartphone mise au point par Akhan Semiconductor, une société américaine de l'Illinois.
Le vol généralisé pratiqué par Huawei a été efficace pour nuire à la concurrence. Nombreux sont ceux qui pensent que le vol de technologie a joué un rôle clé dans la faillite de Nortel Networks, une société canadienne en 2013.
En outre, Pékin a utilisé les serveurs Huawei pour télécharger subrepticement les données de l'Union africaine de 2012 à 2017, et sans doute aussi de nombreuses autres sources.
Sans surprise, Huawei prépare le terrain pour avoir accès aux données de demain. L'étude menée par Christopher Balding sur les curriculum vitae des employés de Huawei révèle que certains d'entre eux reconnaissent avoir des liens d'intérêts avec des unités de l'armée chinoise qui semblent elles-mêmes impliquées dans la collecte de renseignements. « Il existe une relation indéniable entre Huawei et l'État, l'armée et les services de renseignement » écrit-il dans son étude.
Des analyses récentes montrent aussi que les logiciels Huawei présentent un nombre anormalement élevé de failles de sécurité. Selon Finite State, une firme de cybersécurité, une analyse de près de 10 000 images de microprogrammes Huawei a révélé que « 55% avaient au moins une porte dérobée potentielle. Ces portes dérobées permettent à un attaquant disposant de la connaissance des microprogrammes et / ou d'une clé cryptographique correspondante de se connecter à l'appareil. » L'étude Finite State indique que Huawei se classe au dernier rang en termes de sécurité.
Le vol n'est pas le seul risque. Comme l'a souligné le sénateur Blackburn à Fox News, Huawei pourra être utilisé par Pékin comme guichet de contrôle des réseaux exploitant les appareils de demain. Que le gouvernement et l'armée chinoise puissent utiliser le matériel Huawei pour manipuler à distance des périphériques mis en réseau sur l'Internet des objets (IoT), où qu'ils se trouvent dans le monde, ne laisse pas d'inquiéter. Ainsi, la Chine pourra conduire votre voiture à contresens sur l'autoroute, déverrouiller votre porte d'entrée, éteindre ou accélérer votre stimulateur cardiaque.
Mardi 9 juillet, le secrétaire d'Etat Ross a fait écho aux commentaires antérieurs du gouvernement quand il a promis que son ministère accorderait des dérogations quand il « serait acquis qu'il n'existe aucune menace pour la sécurité nationale des États-Unis ».
De tels propos ont de quoi rassurer, mais il n'est pas possible de diviser Huawei en composants menaçants et inoffensifs. Huawei peut tirer profit de secteurs anodins en apparence pour soutenir les secteurs manifestement dangereux. L'argent est fongible, le seul moyen sûr serait donc d'interdire toutes les transactions avec l'entreprise.
Ross a laissé entendre mardi que des licences seraient accordées pour des articles disponibles dans d'autres pays, affirmant « nous allons essayer de nous assurer que nous ne transférons pas simplement les revenus en provenance des États-Unis à des entreprises étrangères ». À première vue, les ventes de ces articles semblent non répréhensibles, mais, comme le rapportait le New York Times mardi, les sociétés américaines qui demandent des dérogations reconnaissent aussi que leurs produits sont souvent plus avancés que ceux du Japon, de la Corée du Sud et d'autres pays.
Par conséquent, le mieux serait de demander à tous les fournisseurs américains d'arrêter les ventes et les licences et d'inciter Tokyo, Séoul et les autres capitales agir de même. Cela perturberait gravement Huawei, le forçant peut-être à se retirer des affaires ou du moins à entraver ses progrès. En bref, Ross sous-estime le poids de l'Amérique.
Comme le souligne Eli Lake sur Bloomberg, la politique américaine sur Huawei semble s'être « effondrée » après la réunion bilatérale avec Xi. Lake a raison. Depuis la rumeur de la retraite américaine, Pékin vend maintenant rapidement des équipements Huawei dans le monde entier, ce qui signifie qu'à moyen-long terme, les Chinois contrôleront bientôt l'architecture de la 5G de la planète entière.
Il faut maintenant penser aux conséquences. « Imaginez un monde dominé par la Chine », a déclaré Jonathan Bass de PTM Images à Gatestone. « Fermez les yeux et imaginez que vous vous réveillez dans un monde contrôlé par Xi Jinping, militairement, économiquement, politiquement et culturellement. »
C'est ce monde Huawei, auquel nous allons devoir bientôt faire face.
Gordon G. Chang, auteur de The Coming Collapse of China est Distinguished Senior Fellow du Gatestone Institute.