Au Burkina Faso, les violences ont entrainé la mort de nombreux chrétiens, poussé à l'exode plus de 135 000 personnes et amené la fermeture de centaines d'églises et de catéchismes. Photo : la cathédrale de Ouagadougou au Burkina Faso. (Source 'image : kyselak / Wikimedia Commons) |
Les attaques terroristes qui ont lieu contre les chrétiens du Burkina Faso, un État à majorité musulmane, sont en soi très préoccupantes. Mais elles indiquent aussi que certains groupes terroristes, tels l'Etat islamique, n'ont pas disparu. Affaiblis au Moyen-Orient, ils ont déplacé leurs opérations ailleurs.
La terreur que font régner des groupes armés tels Al-Qaïda au Maghreb islamique, Al-Mourabitoun, Ansar al-Dine, Ansar-ul-Islam lil-Ichad wal Jihad, Boko Haram, l'État islamique du Grand Sahara et le Front de libération de Macina - a poussé à l'exode plus de 135 000 burkinabés ; les deux tiers ont quitté leur domicile cette année. La violence a également entraîné la fermeture de nombreuses écoles.
Un rapport de l'organisation catholique « Aide à l'Église en détresse », daté du 18 septembre, indique :
« Hitté et Rounga sont les derniers villages à avoir été désertés. Les terroristes islamistes ont fait parvenir un ultimatum aux villageois : se convertir à l'islam ou abandonner leurs maisons. Une source qui a requis l'anonymat a déclaré : 'Ils ne sont ni les premiers, ni les derniers à vivre à cette situation. Ils sont dans le collimateur des djihadistes qui sèment la terreur, assassinent les membres des communautés chrétiennes et forcent les survivants à s'enfuir après les avoir avertis qu'ils reviendront dans trois jours - et mieux vaudrait à ce moment-là que les chrétiens et autres catéchumènes n'y soient plus. »
La recrudescence des attaques terroristes au Burkina Faso a commencé en 2014, à la chute du dictateur Blaise Compaoré. Quatre ans plus tard, en décembre 2018, l'état d'urgence a été institué dans les provinces du nord du pays. Aujourd'hui, les chrétiens sont menacés et vivent dans la peur et les forces de sécurité du Burkina Faso sont dans l'incapacité d'empêcher les attaques terroristes contre les chrétiens.
Un récent rapport d'Open Doors, un groupe de défense des chrétiens, affirme qu'au Burkina Faso, les chrétiens « luttent pour leur survie » :
« Un habitant a décrit la charia qui a été généralisée dans l'est du pays : « à 18 heures, tout le monde doit se rendre à la mosquée, et après chacun doit rentrer chez lui directement. Au milieu de la nuit, il faut se lever et revenir écouter les prêches. Toute critique est interdite. Les femmes doivent se couvrir la tête. Parler de cigarettes, d'alcool, de musique, ou de fêtes est strictement prohibé... Si vous allumez une cigarette, au début, ils vous disent simplement de l'éteindre. La troisième fois, ils vous tuent. Ils ont interdit la prostitution dans les mines [d'or] - ils tranchent les gorges. Je dirais que quelqu'un meurt au moins une fois par mois, et les personnes assassinées ont toujours été prévenues. Sauf les prostituées. Ils ne les avertissent pas. Ils les tuent directement ».
« Aux membres de la mission Portes Ouvertes, les enseignants ont déclaré : 'Les djihadistes remplacent les écoles publiques par des écoles arabes. Ils nous ont intimé l'ordre de partir. Le gouvernement a réussi à transférer certains élèves et certains enseignants dans des zones plus sûres... »
« L'église a beaucoup souffert. Les témoignages recueillis par Open Doors indiquent qu'un nombre inconnu de pasteurs et de familles d'ecclésiastiques ont été enlevés et maintenus en captivité. L'insécurité croissante a plongé la population chrétienne dans la peur.
« Pour éviter de nouvelles attaques, plus de 200 églises ont été fermées dans le nord du pays. En zone rurale, la messe du dimanche a quasiment disparu.
« Les djihadistes ont fait parvenir des menaces aux communautés d'Arbinda, de Dablo, de Djibo, de Kongoussi et d'autres encore pour que cessent tous les services du culte. Au début, ils se sont opposés aux cérémonies religieuses au prétexte qu'hommes et femmes s'y côtoyaient. Mais, très vite, ils ont interdit aux chrétiens de se rendre à l'église.
« Plus de 5 000 pasteurs et fidèles ont été emmenés de force dans des camps de personnes déplacées (Internally Displaced People, IDP). D'autres sont partis avec leur famille et leurs amis dans le sud, les régions centrales ou dans la capitale, Ouagadougou.
Selon les témoignages recueillis, « les gens sont partis en catastrophe, avec juste ce qu'ils avaient sur le dos. Dans le nord, la plupart des écoles tenues par des pasteurs ont été fermées. De nombreux enfants chrétiens ne sont plus scolarisés et leurs familles n'ont pas les moyens d'acquitter les frais de scolarité des endroits où ils résident.
« Dans tout le pays, les églises collectent de la nourriture pour soutenir les croyants touchés, mais les besoins sont si énormes qu'elles sont incapables de faire face. »
Open Doors a établi une liste des attaques qui ont été menées contre le clergé chrétien et leurs ouailles de février à mai 2019 :
- Le 15 février, le père Antonio César Fernandez (72 ans) a été tué à Nohao.
- Le 19 février, le pasteur Jean Sawadogo (54 ans) d'une église de Tasmakatt a été tué sur la route entre Tasmakatt et Gorom-Gorom.
- Le 23 avril, le pasteur Elie Zoré, chef des Assemblées de l'Eglise de Dieu de Bouloutou, a été tué près d'Arbinda.
- Le 28 avril, six chrétiens - dont le pasteur Pierre Ouedraogot - ont été tués dans une église de Silgadji, près de Djibo.
- Le 12 mai, 20 à 30 hommes armés ont pris d'assaut l'église catholique de Dablo pendant la messe. Six chrétiens ont été tués, dont un prêtre, le père Siméon Yampa.
- Le 13 mai, quatre chrétiens ont été tués à Singa.
- Le 26 mai, quatre fidèles ont été tués lors d'une attaque contre l'église catholique de Toulfe.
Plus récemment, entre juin et septembre, les massacres suivants ont été perpétrés au Burkina Faso, selon International Christian Concern (ICC) :
- Deux attaques terroristes ont eu lieu les 9 et 10 juin à Arbinda et Namentenga, entrainant la mort de 29 chrétiens.
- Le 25 juillet, des terroristes ont attaqué le village de Diblou, tuant 15 personnes.
- Le 19 août, 24 personnes ont trouvé la mort à l'issue d'une attaque à grande échelle menée contre une base de l'armée nationale du Burkina Faso près de Koutougou.
- Le 8 septembre, deux attentats dans la province de Sanmatenga, dans le nord du pays, ont tué 29 personnes.
Comme l'a écrit Raymond Ibrahim, Distinguished Senior Fellow du Gatestone Institute :
« Ce qui se produit au Burkina Faso est un cas d'école. Des groupes terroristes tels que l'État islamique peuvent voir leur influence réduite en Iraq et en Syrie, mais le djihad se répand comme une traînée de poudre dans des pays obscurs et oubliés du monde, et d'innombrables innocents sans nom ni visage le payent de leur vie ».
Uzay Bulut, journaliste turque, est Distinguished Senior Fellow du Gatestone Institute.