Beaucoup d'enfants nés en Suède apprennent mal le suédois et ne parlent pas réellement la langue parce que dans certaines écoles maternelles et primaires le nombre de personnes dont le suédois est la langue maternelle n'est pas suffisant . Ce changement a lieu à un rythme rapide. Photo : des enfants migrants dans une école de Halmstad, en Suède, le 8 février 2016. (Photo de David Ramos / Getty Images) |
La gauche américaine a souvent cité en exemple l'État providence suédois. Mais après la crise migratoire de 2015, quand la Suède s'est retrouvée inondée de demandeurs d'asile syriens, son modèle social a été mis à rude épreuve, au point que l'édifice de l'Etat providence est aujourd'hui totalement lézardé.
En 2015, quand la Suède a ouvert ses frontières à 162 000 demandeurs d'asile, le pays comptait 9,7 millions d'habitants. Plus des deux tiers des nouveaux arrivants (70%) venaient de Syrie, d'Afghanistan et d'Irak. Et 70% de ces demandeurs d'asile étaient des hommes. La situation financière et sociale de la Suède s'est retrouvée en position critique au point que l'establishment suédois a dû repenser sa politique migratoire qui était jusque-là extrêmement libérale.
Néanmoins, la Suède n'a pas fermé ses frontières. Entre 2016 et 2018, plus de 70.000 demandeurs d'asile supplémentaires sont arrivés en Suède, et plus de 105.000 migrants ont reçu un permis de séjour.
Par leur nombre, les migrants ont un impact sur l'identité nationale et culturelle de la Suède, mais ils impactent également l'État-providence qui a été immédiatement mis à mal.
L'impact démographique est particulièrement visible dans des villes comme Malmö, troisième ville de Suède, où les personnes d'origine étrangère (nées à l'étranger ou dont les deux parents sont nés à l'étranger) représentaient 45,9% de la population en 2018 contre 31,9% de la population en 2002. La population d'origine étrangère est d'ores et déjà majoritaire dans trois municipalités suédoises : Botkyrka, Södertälje et Haparanda. Comment une ville intègre-t-elle des étrangers quand ils sont majoritaires dans ses murs ? A Malmö, 51% des élèves du primaire sont nés à l'étranger ou sont nés de parents tous deux nés à l'étranger. A la prochaine génération, la population de la troisième plus grande ville de Suède sera majoritairement d'origine étrangère. Quelle peut bien être l'intégration des migrants dans pareil environnement ? Et surtout, quel groupe intègrera les autres groupes ?
L'intégration des migrants dans la société suédoise a été un échec, experts et politiciens en conviennent volontiers. En mars 2018, 58% des chômeurs enregistrés étaient nés ailleurs qu'en Suède, alors que les étrangers ne représentent que 23% de la population. En 2018, le taux de chômage des Suédois nés à l'étranger était de 15,4%, tandis que celui des Suédois nés en Suède était de 3,8%.
La loi EBO (Lagen om eget boende - "Liberté d'installation") a permis aux demandeurs d'asile de s'installer n'importe où dans le pays. Mais les migrants s'installent souvent dans des zones où d'autres migrants sont déjà installés. En partie en raison des loyers peu élevés, mais aussi parce qu'il est plus facile de s'y créer un réseau de relations. Ce processus renforce la ségrégation et crée des enclaves de migrants en Suède.
Un afflux important de migrants combiné à une politique d'intégration ratée a abouti à des changements culturels rapides et même à une remise en cause de l'identité de la Suède. Dans de nombreuses régions où les migrants sont majoritaires, la culture suédoise est en voie de disparition rapide car les nouveaux arrivants imposent aujourd'hui leur culture en lieu et place de la culture suédoise. Cela se traduit par des changements de langue et par des jours fériés différent.
En juin, plusieurs grands médias suédois ont célébré l'Eid-el-fitr, une fête qui clôture le jeun du Ramadan. Des entreprises connues comme Arla Foods, ICA et COOP ont publié des recettes sur leurs sites Web pour les vacances. Plusieurs voix ont déjà suggéré que l'Aïd-el-fitr, devienne fête nationale en Suède. Ces voix sont venues des sociaux-démocrates et de l'Église de Suède, deux institutions qui ont une grande influence dans la société suédoise. Même si Eid-el-fitr n'est pas encore une fête nationale, plusieurs municipalités ont choisi de le célébrer.
Depuis que la Suède existe, le finnois était sa seconde langue. Ce lien avec la Finlande, le voisin de toujours, est aujourd'hui distendu. En 2018, le linguiste Mikael Parkvall a noté que l'arabe est devenu la seconde langue la plus parlée de la Suède. D'autres ont remarqué que de nombreux enfants nés en Suède apprennent si mal le suédois qu'ils sont incapables de le parler correctement. L'explication du phénomène est simple : certaines écoles maternelles et primaires ne disposent pas en nombre suffisant de personnes dont la langue maternelle est le suédois. Ces évolutions vont en s'accélérant.
La société suédoise ne sera pas seule à avoir radicalement changé au cours de la prochaine décennie. L'État providence qui a été la marque de fabrique de l'État suédois, est également en train de changer, au point qu'il court le risque de disparaître.
L'État providence suédois repose sur un calcul simple : une majorité d'adultes employés à temps plein paie divers impôts sur le revenu à l'État. Ce que l'État perçoit doit être supérieur à ce qu'il reverse sous forme de prestations sociales et de paiements de transfert. Quand un grand nombre de personnes qui touchent des prestations sociales ne peuvent pas trouver d'emploi ou ne veulent pas travailler, la crise survient. C'est exactement la situation qui prévaut aujourd'hui en Suède en raison de la politique d'immigration libérale qui a été menée.
Nombreux sont les médias suédois qui ont mis en évidence le cas Filipstad, une municipalité de plus de 10 000 habitants. Là, la proportion de résidents d'origine étrangère est passée de 8,5% en 2002 à 22,7% en 2018. Entre 2012 et 2018, le groupe des résidents de Filipstadt nées en Suède a diminué de 640 personnes, tandis que le groupe des résidents de Filipstadt nés à l'étranger a augmenté de 963 personnes. Tous ceux qui ont fait le choix de quitter Filipstad étaient nés en Suède et en âge de travailler. Claes Hultgren, l'un des chefs de service de la municipalité de Filipstad, se dit aujourd'hui préoccupé que les migrants récemment arrivés ne disposent d'aucune des compétences nécessaires pour entrer sur le marché du travail. Pour équilibrer leur budget, les municipalités comme Filipstad n'ont pas d'autre choix que de réduire les aides sociales.
Filipstad n'est pas la seule municipalité à réduire ses dépenses. Un rapport de l'association des municipalités et régions de Suède (SKR), prévoit qu'en 2023, si les coûts augmentent au prorata de la croissance démographique, les budgets communaux présenteront un déficit de 43 milliards de couronnes suédoises (environ 4,2 milliards d'euros). A moins bien sûr que l'État compense au-delà de ce qu'il avait prévu.
Le secrétaire général (social-démocrate) du conseil municipal de Strömsund, une municipalité suédoise de 11 699 habitants, a averti :
« Tous les coûts sont à la charge des municipalités. Jamais, le chômage des personnes nées en Suède n'a été aussi bas dans notre ville. Pourtant, nous sommes financièrement à genoux parce que le chômage des personnes nées à l'étranger n'a jamais été aussi élevé. Ces gens-là sont pris en charge par l'aide sociale, et ils menacent de passer tout le reste de leur vie aux frais de la municipalité. »
Charlotta Mellander, professeur d'économie à l'International Business School de Jönköping, a noté ce qui suit au sujet de la crise économique des municipalités :
« L'érosion des finances municipales ne date pas d'hier. Mais l'ouverture des frontières en 2015 n'a rien arrangé car les municipalités qui ont accueilli le plus de migrants étaient celles qui souffraient déjà d'un marché du travail détérioré et de conditions d'accueil moins bonnes que d'autres municipalités. C'est cela qui a rendu la situation encore plus difficile. »
Au seuil de cette nouvelle décennie, des mouvements migratoires excessifs et l'échec des politiques d'intégration, placent la Suède face à des changements culturels et économiques radicaux.
L'islamisation qui sévit dans certaines parties de la Suède affectera la société suédoise pour autant que les décisions politiques qui seront prises au cours des années 2020 l'y encourageront ou non.
L'immigration en provenance des pays musulmans va-t-elle se poursuivre ? Les autorités suédoises continueront-elles à subventionner la culture islamique ? Les immigrants finiront-ils par adopter la culture suédoise, ou bien, l'échec des politiques d'intégration aidant, les Suédois adopteront-ils de plus en plus la culture islamique ?
Les conflits latents entre ces deux cultures font que l'expansion de la culture islamique en Suède provoquera sans aucun doute des troubles importants et variés. Aujourd'hui, les points de friction entre la culture islamique et la culture suédoise sont plus nombreux que les points communs. La ségrégation est forte et les mosquées ont été impliquées dans des scandales à répétition en raison de conflits entre l'islam et les valeurs suédoises.
La nouvelle décennie sera donc à la fois instable et décisive pour la Suède. Des changements politiques, culturels et économiques majeurs se produiront inévitablement.
Nima Gholam Ali Pour est conseiller politique des Démocrates de Suède à Malmö. Il est l'auteur de "Därför är mångkultur förtryck" ("Le multiculturalisme c'est l'oppression") et "Allah bestämmer inte i Sverige" ("Allah ne décide pas en Suède").