A partir de 2015, le gouvernement belge a détruit la totalité du "stock stratégique" du pays, soit 63 millions de masques de protection, afin de "faire de la place" pour l'hébergement des réfugiés. Comme aucun masque n'était disponible lorsque la pandémie de coronavirus s'est propagée en Belgique, le gouvernement a annoncé qu'il n'en était nul besoin : "Le port de masques pour se protéger contre le coronavirus n'a pas beaucoup de sens". Sur la photo : La police organise une file de clients devant un magasin de jardinage à Bruxelles, Belgique, le 18 avril 2020. (Photo par Eric Lalmand/Belga Mag/AFP via Getty Images) |
Il est trop tôt pour dresser un bilan définitif de la gestion du COVID-19 par les pays du monde, mais une chose est sûre : la Belgique est en plein carnage.
Tout a commencé en 2015, lorsque le gouvernement du Premier ministre Charles Michel (aujourd'hui président du Conseil européen) décidait de détruire la totalité du "stock stratégique" de la Belgique, soit 63 millions de masques de protection, dont le précieux type FFP2 -- 1 200 palettes soigneusement stockées et gardées par l'armée dans la caserne de Belgrade, à Namur. Parce qu'ils étaient "périmés", a déclaré la ministre de la Santé Maggie De Block, toujours en poste aujourd'hui. Pas du tout, rétorque le principal syndicat de l'armée belge, ces masques ont été incinérés... pour "faire de la place" pour l'hébergement des réfugiés. En 2015, la Belgique et l'Europe étaient submergées par les migrants à l'invitation de la chancelière allemande Angela Merkel et des béances du droit européen.
L'ensemble du stock stratégique fut donc incinéré, et n'a jamais été remplacé -- une autre décision de De Block qui, compte tenu de la régularité des épidémies et des pandémies, constitue un crime. "Gouverner, c'est prévoir", déclarait Emile de Girardin.
Ainsi, lorsque la pandémie de coronavirus s'est étendue à la Belgique, ce malheureux pays n'avait presque pas de masques : zéro pour les citoyens, aucun pour la police, zéro pour les maisons de repos — ce qu'on nomme en France « EHPAD » — presque rien pour les hôpitaux.
La pandémie a éclaté plus tôt en Italie qu'en Belgique. L'Italie du Nord, en raison de ses liens économiques étroits avec la Chine par le biais des maisons de textile et de l'industrie de la mode, aura été le principal épicentre de la pandémie en Europe. Le 31 janvier, l'Italie interdisait les vols en provenance de Chine — décision malheureusement tardive pour l'Italie — et le 21 février, plusieurs villes italiennes étaient déjà totalement isolées (« lockdown »).
Nombre de Belges ont des racines italiennes, surtout dans le sud de la Belgique (Wallonie), et beaucoup aiment l'Italie. Ainsi, entre les 22 et 23 février, des dizaines de milliers de Belges sont partis en Italie pour la pause du carnaval, malgré l'épidémie. Tandis que le virus faisait déjà des ravages en Italie, le gouvernement belge ne pipa mot et ne vit rien à redire à cette exhumance transalpine.
Lorsque ces vacanciers sont revenues d'Italie, principalement par deux aéroports belges - Bruxelles Sud (Charleroi) et Bruxelles (Zaventem) - ils n'ont été soumis à aucun contrôle. En réalité, ils avaient été contrôlés à leur arrivée en Italie, mais pas à leur retour en Belgique. À l'époque, la ministre de la santé Maggie De Block déclarait qu'il était inutile de vérifier la température corporelle de ces gens et que fermer la frontière n'avait aucun sens : "Un virus ne s'arrête pas aux frontières". Lorsque le Dr Marc Wathelet a tenté d'avertir la ministre des risques, De Block l'a traité, dans un tweet maintenant supprimé, de "drama queen". Le chapitre belge de la pandémie fut principalement causé par ces retours d'Italie sans entrave ni contrôle.
Début mars, le gouvernement du Premier ministre Sophie Wilmès – issue du même parti de centre-gauche, le Mouvement Réformateur (MR), que son prédécesseur Charles Michel - ne voyait aucun problème à ce que les Belges participent à des rassemblements de masse, comme le Salon Batibouw (salon immobilier), la Foire du Livre et, bien sûr, la Journée internationale de la femme du 8 mars. Le 8 mars, en Italie, 366 personnes étaient déjà mortes du virus.
Lorsque Wilmès a finalement décidé d'agir, sous la forme de directives datées du 23 mars, ce fut principalement pour interdire toute initiative privée dans le domaine des masques et des médicaments par le secteur privé : le gouvernement allait prendre le problème en main ! À cet effet, Madame Wilmès avait sollicité et obtenu du Parlement des « pouvoirs spéciaux », qui lui permettent de gouverner — y compris modifier les lois — en direct, sans le Parlement.
Malheureusement, les politiciens belges et leurs "experts" n'ont pas une expérience très convaincante dans le domaine du commerce international. Le premier lot de masques commandés par le gouvernement belge n'a jamais été livré ; les masques du second lot commandé étaient très efficaces, mais seulement pour faire du café, et lorsqu'un entrepreneur belge prit l'initiative d'organiser la livraison de millions de masques aux autorités, il fut aussitôt vilipendé par le gouvernement comme "escroc" — sans la moindre preuve.
Début avril, deux mois après la propagation de la pandémie en Europe, il n'y avait toujours pas de masques en Belgique, même pour les professionnels de la santé confrontés quotidiennement aux risques, sans parler du citoyen et des forces de l'ordre.
Comme il n'y avait pas de masques, le gouvernement décrétait qu'aucun masque n'était nécessaire. Cette suprême culmination de l'ineptitude du gouvernement belge est toujours en ligne sur le site personnel de la ministre de la santé Maggie De Block : "Le port d'un masque pour se protéger du coronavirus n'a guère de sens".
Sans masque, l'autre impératif pour affronter le virus est celui des tests - même l'Organisation mondiale de la santé (OMS) l'a reconnu. Les tests sont assez simples à mettre au point et constituent la première exigence d'une réponse efficace à toute pandémie. Les capacités médicales de la Belgique sont énormes -- hôpitaux, médecins, laboratoires publics et privés, énormes entreprises chimiques privées -- et les dépenses publiques dans le secteur de la santé sont parmi les plus élevées au monde. Le gouvernement belge se voyait ainsi offrir l'opportunité de compenser son ineptitude criminelle avec les masques par la généralisation des tests.
Malheureusement, il fit exactement le contraire. Le gouvernement accordait un monopole de facto pour ces tests au laboratoire d'un certain Dr. Marc Van Ranst, de l'Université catholique de Louvain (KUL). Il n'existe aucun motif vraisemblable pour soutenir cette décision, dont l'effet fut exactement le même que pour les masques : exclusion du secteur privé et rationnement des tests, qui firent ainsi cruellement défaut au personnel belge de la santé, dès le premier jour.
Cette décision est d'autant plus surprenante que Van Ranst n'est pas seulement médecin, mais également actif en politique. Communiste déclaré et détestant Israël, il a dénoncé le "Gazacaust" — expression révisionniste au sens strict — avec fierté. Ce charmant personnage fut couronné "Monsieur Tests" pour toute la Belgique.
Lorsque des entreprises privées développèrent de nouvelles méthodes de test, le gouvernement belge publiait immédiatement un arrêté pour les interdire dans tout le pays, sous prétexte qu'elles ne sont pas fiables à 100%.
Pas de masques, pas de « screening » au retour d'Italie et presque pas de tests : telle est la situation de la Belgique au milieu de la pire pandémie depuis 1918. Cette situation dramatique est entièrement due aux décisions atroces d'incompétence du gouvernement fédéral. Lorsque Wilmès brisa le monopole de fait qu'elle avait créé -- autorisant des tests par des sociétés privées comme GSK -- il était bien trop tard.
Malheureusement, ce n'est pas la fin de cette triste histoire d'incompétence criminelle. La principale bévue était encore à venir. Voyant la situation en Italie et en Alsace (France), où certains hôpitaux avaient été temporairement débordés de patients atteints de coronavirus, le gouvernement belge prit ce qui est probablement, rétrospectivement, sa pire décision depuis 1945 : les personnes infectées par le virus dans les maisons de retraite devaient rester dans les maisons de retraite. En règle, ces malheureuses personnes âgées qui avaient un besoin vital d'être hospitalisées devaient être tenues éloignées des hôpitaux — de peur que ceux-ci ne soient « débordés » (ce qu'il ne furent à aucun moment, en Belgique).
Combinée à l'absence presque totale de masques et de tests, cette instruction eut des conséquences cataclysmiques : des décès, des décès et encore des décès. La Belgique parle aujourd'hui non seulement d'une mais de deux épidémies : dans la population générale et dans les maisons de repos. Tragiquement, près de 50 % des décès dus aux coronavirus en Belgique ont eu lieu dans les maisons de repos. Malgré les efforts souvent héroïques de leur personnel, les maisons de repos belges sont en fait devenues des pièges mortels. Ces rescapés d'une génération qui a connu la Seconde guerre mondiale durent mourir seules dans leur chambre, sans même revoir une dernière fois leur famille, pour éviter de les contaminer -- autre idée du gouvernement belge qui fut affirmée, annulée, puis réaffirmée.
Pas de masques, pas de tests et des maisons de retraite transformées en prisons mortelles : on comprend maintenant pourquoi la Belgique est le premier pays au monde par le nombre de décès « coronavirus » par habitant -- dix fois plus que l'Allemagne, cent fois plus que la Corée du Sud, mille fois plus que Hong Kong et Taiwan (sic).[1]
Ce carnage est entièrement dû à l'incompétence tragique des "élites" politiques belges - et tout à fait évitable.
Drieu Godefridi, auteur libéral belge, est le fondateur de l'Institut Hayek à Bruxelles. Il est juriste et titulaire d'un doctorat en philosophie du droit à la Sorbonne (Paris) ; il dirige des investissements dans des entreprises européennes et publiait dernièrement L'écologisme, nouveau totalitarisme ? (mai 2019)
[1] L'ineffable Maggie De Block a annoncé qu'elle allait "recompter" les décès dans les maisons de retraite, car certaines personnes ont été incluses dans les statistiques alors qu'elles étaient seulement "suspectées" d'être atteintes d'un coronavirus. Mais de nombreux pays ont inclus les "cas suspects" dans leurs statistiques – à commencer par les États-Unis.