Le Qatar a été officiellement labellisé « Etat sponsor du terrorisme », et supporter actif d'organisations terroristes islamistes telles que les Frères musulmans, al-Qaida et l'Etat islamique — pas par des gouvernements occidentaux : par l'Arabie saoudite, le berceau de la foi islamique, et les autres régimes islamiques de la région.
Sachant la réalité du Qatar — 11.000 km2, le tiers du territoire belge, et 2,5 millions d'habitants — la question paraîtra exagérée : comment la France, la grande France, pourrait-elle possiblement avoir été achetée par un micro-Etat tel que le Qatar ?
Pour la simple raison que, par la grâce de ses réserves considérables de pétrole et surtout de gaz, le Qatar jouit du plus haut revenu par habitant au monde, tandis que la France, après 40 années de socialisme, a cruellement et continuellement besoin de liquidités. S'y ajoute une robuste tradition française de corruption de fonctionnaires, pour ne rien dire de la propension française à « collaborer »avec ceux-là mêmes qui sont acharnés à sa perte.
Le 4 août, la presse britannique — et non française — révélait que le Parquet investigue activement deux affaires : l'attribution au Qatar de la coupe du monde de foootball de 2022, et l'achat par le fonds d'investissement souverain « Qatari Diar »d'une participation au capital de Veolia.
Le Président Nicolas Sarkozy (gauche) reçoit le Premier ministre du Qatar Sheikh Hamad bin Jassim bin Jabor al-Thani (droite) le 19 mars 2011 à Paris, France. (Photo de Franck Prevel/Getty Images) |
Au centre de ces investigations trône l'ancien président, Nicolas Sarkozy. Précisons immédiatement que M. Sarkozy n'a pas été inculpé — on dit en France « mis en examen » — et qu'il pourrait bien ne jamais l'être dans ces affaires, mais les faits sont éloquents.
D'abord, la Coupe du monde. Que le Qatar, connu depuis des années pour son financement massif d'organisations terroristes islamistes, dont les températures en font un redoutable « cagnard », et qui est dénué de la moindre tradition footballistique, se soit vu attribuer l'organisation de cet événement est, bien sûr, une source d'étonnement depuis l'annonce de son choix par la FIFA, organisation faîtière du football au niveau mondial.
Les enquêteurs français s'intéressent à une réunion qui intervint à l'Elysée, le 23 novembre 2010 — dix jours avant la décision de la FIFA — entre MM. Nicolas Sarkozy, Michel Platini, ancien président de l'UEFA qui siégeait à ce titre à la FIFA, et des officiels qataris. Il est allégué que Michel Platini était farouchement opposé à la candidature du Qatar, et que M. Sarkozy le fit changer d'avis : « Ce sont des gens biens ».
En avril 2010, le fonds « Qatari Diar »avait pris une participation de 5% dans Veolia. Les enquêteurs sont sur la piste d'un montant de 182 millions d'euros, dont ils suspectent qu'il ait servi à « acheter » des officiels français de haut rang. Ils enquêtent également sur la possibilité d'un lien entre ces deux opérations : le Qatar investissant dans Veolia en échange du soutien de la France à la FIFA, ainsi que sur la concomitance de la décision, par le Qatar, de racheter la plus grande équipe de football française, le Paris-Saint-Germain (PSG). Il est en effet à noter que le propriétaire à l'époque du PSG participait à la fameuse réunion à l'Elysée du 23 novembre 2010.
Il est douteux que les enquêteurs mettront jamais en lumière le fond de ces affaires — actuellement séparées, sur le plan judiciaire. Le judiciaire, en France, est de longue date soumis à l'exécutif et on ne voit guère qui aurait intérêt, par delà les clivages politiques, à mettre en lumière l'ampleur et les méthodes de la pénétration qatarie en France. Depuis 1789, le judiciaire français n'est pas même un pouvoir, seulement une « autorité », face aux deux pouvoirs législatif et exécutif. N'est-il pas révélateur que cette affaire ait été révélée par la presse britannique, et non française ?
Quoi qu'il en soit, une série de faits est d'ores et déjà avérée :
Un Etat sponsor du terrorisme, le Qatar, a pu acquérir la principale équipe de football française, le PSG, avec l'aide du président Sarkozy. Le précédent propriétaire du PSG était un fonds d'investissement américain dirigé, en Europe, par un ami proche de M. Sarkozy. Il n'y aurait pas eu de « deal » possible sans l'aval de M. Sarkozy — car ainsi va, en France, ce genre d'opérations « privées » ;
Un Etat sponsor du terrorisme, le Qatar, a non seulement été autorisé, mais activement courtisé par les officiels français pour investir dans quelques-unes des plus grandes entreprises françaises : Veolia, EDF, Vinci, ainsi que des entreprises à caractère militaire : l'entreprise-mère de Airbus EADS (European Aeronautic Defence and Space Company), le groupe de media et de défense Lagardère, etc.
Un Etat sponsor du terrorisme, le Qatar, fut activement soutenu par la France et particulièrement Nicolas Sarkozy dans sa candidature à l'organisation de la Coupe du monde 2022. M. Sarkozy déclara après le vote de la FIFA : « Le sport n'appartient pas à quelques pays. Il appartient au monde... Je ne comprends pas ceux qui prétendent que ces événements devraient être toujours organisés par les mêmes pays, sur les mêmes continents. » ;
Une fraction notable du personnel politique français semble considérer l'ambassade du Qatar, à Paris, comme une sorte de distributeur automatique de billets de banque, ainsi qu'il fut montré par les journalistes Christian Chesnot and Georges Malbrunot dans leur remarquable ouvrage Nos très chers émirs (Lafon, 2016), et déploré par nul autre que le nouvel ambassadeur du Qatar en France, M. Meshaal al-Thani ;
Depuis 2008, un Etat sponsor du terrorisme, le Qatar, bénéficie en France d'un régime fiscal exorbitant du droit commun : l'exemption des plus-values immobilières. En France, les profits immobiliers sont soumis à un impôt de 19%, plus la CSG/CRDS de 15,5%, soit une imposition minimale de 34%. La règle est la même pour tous. Pour tous, sauf le Qatar, depuis que l'administration de M. Sarkozy a décidé de l'exempter purement et simplement de cette imposition. Sur la foi de quoi le Qatar s'est mis à bâtir en France un gigantesque patrimoine immobilier, dont le volume ridiculise par exemple celui de l'Arabie Saoudite, et qui va d'immeubles sur les Champs-Elysées au cabaret du Lido (sic), en passant par quelques-uns des fleurons de l'immobilier hexagonal. « Notre déficit a détruit notre liberté », déclarait en 2013 le sénateur centriste Nathalie Goulet. « Les Qataris sont ici pour acheter, et nous leur vendons nos bijoux de famille ».
Les Etats du Golfe persique, dont le Qatar, bénéficient d'exemptions fiscales ailleurs dans le monde, mais cette convergence de faits est unique à la France. C'est par le truchement de ces privilèges fiscaux qui lui offrent un avantage déterminant — l'exemption mentionnée n'est pas la seule — que le Qatar a pu s'emparer des bijoux de la « couronne ».
Dans le même temps, l'islam en France s'étend. La France est infiltrée par les Frères musulmans, une organisation qui n'est pas catégorisée en France — contrairement au Royaume-uni — comme subversive et contraire à nos valeurs. Depuis qu'ils ont été chassés par le gouvernement Sissi en Egypte, les Frères musulmans ont trouvé refuge au Qatar, dont ils ont fait leur base arrière. Considérant sa dépendance financière au Qatar, il est douteux que la France soit encore en mesure de faire pièce aux Frères musulmans, désormais l'enfant chéri du Qatar.
Bien que la France soit membre de l'OTAN et puissance nucléaire, sans doute nulle part en Occident l'islamisation n'est-elle aussi poussée qu'elle ne l'est en France. Même au Royaume-Uni se dressent encore de puissants contre-pouvoirs (voir le rapport gouvernemental sur les Frères musulmans, que l'on n'aperçoit plus en France).
Certes, les immenses réserves financières du Qatar, et sa volonté de diversification, mènent ce petit pays à investir dans de nombreux territoires de par le monde, et les Américains ne sont pas en reste quand il s'agit de vendre aux Qataris des armes — les Etats-Unis occupent d'ailleurs une base militaire à Al-Udeid, Qatar. Mais c'est une chose de vendre des armes, c'en est une autre de vendre ses entreprises de défense. C'est une chose d'être ouvert aux investissements étrangers, c'en est une autre d'offrir un privilège fiscal exorbitant à un Etat sponsor du terrorisme de telle sorte qu'il soit en mesure d'acheter des fleurons immobiliers.
Ce n'est pas un hasard si le visage des Frères musulmans en Europe, Tariq Ramadan, professe depuis sa base à Oxford, Angleterre, que la France est désormais l'avenir de l'islam en Europe, devant même le Royaume-Uni (toujours solide n°2 dans sa liste de candidats).
Les Américains font du commerce, la France vend son âme.
Drieu Godefridi, auteur libéral belge, est le fondateur de l'institut Hayek à Bruxelles. Il est PhD en philosophie (Sorbonne) et juriste et il investit par ailleurs dans des entreprises européennes.