Un tribunal français a récemment statué que Kobili Traoré ne serait pas jugé pour avoir torturé et assassiné Sarah Halimi, une femme juive de 66 ans, affirmant que Traoré avait connu une "abolition temporaire du discernement" due a la consommation de marijuana. Francis Kalifat (photo), président du Conseil représentatif des institutions juives françaises, a fait remarquer qu'" un meurtre antisémite pourrait devenir le seul meurtre excusé par les tribunaux sur la base de l'usage de drogues, alors que dans tous les autres cas, les drogues sont un facteur aggravant" (Photo de Ludovic Marin / AFP via Getty Images) |
Paris, le 4 avril 2017. Sarah Halimi, une femme juive de 66 ans, est jetée dans le vide depuis le balcon de son appartement du troisième étage. Son corps atterrit dans la cour de l'immeuble. Son meurtrier l'avait d'abord torturée. Les voisins avaient entendu des cris et appelé la police. Neuf policiers étaient venus, mais quand ils avaient entendu par la porte un homme crier "Allahu Akbar", ils s'étaient précipités en bas de l'escalier pour attendre des renforts. Lorsque Kobili Traoré s'est finalement rendu, il a dit: "J'ai tué le sheitan" ("Satan" en arabe). Tout en torturant sa victime, a-t-il ajouté, il avait récité des versets du Coran, qui lui avait "ordonné de tuer un Juif". Il a déclaré avoir passé la journée de la veille dans une mosquée voisine. Il a été placé immédiatement dans un établissement psychiatrique, où il a dit au médecin qui l'a examiné qu'il fumait de la marijuana.
Le meurtre a à peine été mentionné dans les journaux. Des organisations juives françaises ont parlé d'un "crime antisémite affligeant" et organisé une manifestation silencieuse devant le bâtiment ou les faits ont eu lieu. Ce n'est qu'à ce moment que des articles un peu plus amples traitant du meurtre ont été publiés. L'élection présidentielle française allait avoir lieu, et les journalistes des grands médias ne voulaient apparemment pas parler d'un meurtre antisémite commis par un musulman.
La juge assignée à l'affaire, Anne Ihuellou, a d'abord refusé de reconnaître que le meurtre avait unee nature antisémite. Il a fallu plus de six mois aux avocats de la famille Halimi pour obtenir qu'elle finisse par l'admettre, le 27 février 2018.
La juge a également refusé d'organiser une reconstitution du meurtre, et n'a accepté d'interroger Traoré que brièvement. Elle a demandé une expertise psychiatrique, L'expert, Daniel Zagury, a déclaré qu'au moment de l'acte, le meurtrier était dans un état de "délire aigu" en raison de la consommation de cannabis, mais pleinement "accessible à une sanction pénale". Apparemment insatisfaite des conclusions de Daniel Zagury, la juge Ihuellou a demandé deux autres avis d'experts - qui, contredisant les conclusions de Daniel Zagury, ont déclaré, eux, que Traoré n'était pas apte à comparaitre en justice.
Le 12 juillet 2019, la juge a rejeté le rapport de Daniel Zagury, a dit qu'il y avait "des raisons plausibles de conclure que le meurtrier n'était pas pénalement responsable" et a finalement déclaré que le meurtre n'etait pas antisémite.
Réalisant que Traoré pourrait bientôt être libéré sans jugement, les avocats de la famille Halimi ont exigé que l'affaire soit immédiatement renvoyée devant une cour d'appel.
Rendant sa décision le 19 décembre, la cour d'appel a déclaré que Kobili Traoré avait "volontairement tué" Sarah Halimi et avait donc commis un meurtre. Elle a également reconnu la "circonstance aggravante d'antisémitisme", mais a ajouté qu'en raison d'une "abolition temporaire du discernement", le meurtrier était "criminellement irresponsable", ne pouvait pas être jugé et devait donc être libéré.
Le président du Conseil représentatif des institutions juives françaises (CRIF), Francis Kalifat, a fait remarquer qu'"un meurtre antisémite pourrait devenir le seul meurtre excusé par les tribunaux sur la base de l'usage de drogues, alors que dans tous les autres cas, les drogues sont un facteur aggravant. "
L'un des avocats de la famille Halimi, Francis Szpiner, a déclaré qu'une "jurisprudence Sarah Halimi" a été créée: "quiconque souffre d'une bouffée délirante en raison de l'utilisation de substances illicites et dangereuses sera exempté de toute responsabilité pénale".
Un autre avocat de la famille de la victime, Gilles-William Goldnadel, a exprimé son "dégoût" et a déclaré que "si la victime n'était pas juive et si le meurtrier n'était pas musulman, la décision aurait pu être différente".
Le député Meyer Habib a dit que la décision du tribunal était un "scandale judiciaire jamais vu en France" et a ajouté qu'il y avait "un désir évident de la part du système judiciaire français d'exonérer un meurtrier islamique antisémite". "Libérer un meurtrier antisémite sans procès envoie un signal horrible aux Juifs français", a-t-il ajouté. Il a rappelé que dans un passé récent, Traoré avait été condamné plus de dix fois pour voies de fait violentes, et déclaré que si le système judiciaire avait fait son travail avant le meurtre de Sarah Halimi, le meurtre aurait été évité.
Un psychiatre, Claude Bloch, a noté que la décision pourrait "permettre à quiconque éprouvant une haine féroce envers les Juifs de les assassiner en toute impunité".
Le grand historien Georges Bensoussan a déclaré dans une interview au Figaro:
"... refuser le procès, c'est s'interdire de questionner un environnement pathogène,... une immigration qui n'a pas toujours été bien intégrée, voire qui, dans certains cas aujourd'hui, se désassimile sous l'effet d'un processus récent de réislamisation".
"... Un procès aurait éclairé ce délitement de la nation, il aurait questionné la frilosité des autorités qui n'ont pas donné à temps l'ordre d'intervenir, alors que le calvaire de cette femme a duré près d'une heure. Il aurait interrogé le silence des médias dans les jours qui ont suivi, et qui renvoyait les Juifs à leur solitude ancienne, celle qui fait de l'antisémitisme (plus de la moitié des actes racistes pour 0,7 % de la population) une affaire juive."
"... Cette décision laisse l'impression qu'en haut lieu, on est prêt à sacrifier les plus fragiles pour sauver un semblant de paix sociale. Aux Juifs, elle indique la direction de la sortie. Et aux complotistes, qui fantasment nuit et jour sur le 'pouvoir juif', elle dit le vide dudit pouvoir. A fortiori dans un pays où 62 % de leurs compatriotes se disent 'indifférents' à leur départ."
Le 5 janvier, des organisations juives françaises ont organisé des manifestations pour exiger que le pouvoir judiciaire revienne sur sa décision. Toutes les organisations politiques françaises sont restées silencieuses; aucunee n'a rejoint les manifestations.
Les grands médias ont observé un silence presque total sur le sujet. Seuls les Juifs sont venus aux manifestations.
Le frère de Sarah Halimi, William Attal, s'adressant aux manifestants, place de la République à Paris, a expliqué en détail les souffrances de sa soeur. Il a cite le rapport d'autopsie: tous les os du visage dee sa soeur ont été cassés, mandibule, maxillaire, os frontal, os nasaux, certains par un objet dur, et son corps a été perforé 22 fois. Il a dénoncé l'inaction de la police, la lâcheté des juges et le silence des médias. Il a rapporté des faits qui, jusque-là, n'avaient pas été révélés: l'un des policiers qui s'était rendu sur les lieux du crime n'est pas revenu en bas de l'escalier avec ses collègues. Bien qu'il ait été armé, il est resté derrière la porte sans bouger. Il a écouté silencieusment le meurtrier crier et la victime hurler de douleur.
La juge a refusé d'entendre le policier. Bien que Traoré ait déclaré aux psychiatres qu'il a appelé des gens au téléphone pendant qu'il torturait Sarah Halimi, la juge a également refusé de foaire examiner le contenu de son téléphone. La mosquée fréquentée par le meurtrier était apparemment fréquentée par de nombreuses personnes qui sont allées pratiquer le djihad en Syrie.
Seuls les journaux et magazines juifs ont rapporté ce qu'Attal a dit.
Dans une lettre ouverte, le grand rabbin de France, Haim Korsia, a demandé à la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, d'intervenir, afin de ne pas " déposséder les citoyens d'un des droits les plus précieux qui soit en démocratie: celui de faire appel à la justice pour faire la lumière sur un déferlement de violence et de haine." Il a précisé qu'il "s'astreint d'habitude à ne pas commenter les décisions de justice", mais a ajouté que dans ce cas, il y a "une grave rupture de confiance". Puis: "Devrait-on en déduire que tout individu drogué serait doté d'un permis de tuer les Juifs?"
Il est peu probable que Nicole Belloubet réponde. Des juges et des avocats ont immédiatement déclaré qu'ils étaient indignés par la lettre ouverte de Haim Korsia et ont affirmé qu'il voulait "saper l'indépendance de la justice". Philippe Bilger, un magistrat à la retraite très connu, a accusé Korsia d'"incitation à violer une règle fondamentale régissant l'organisation de nos pouvoirs".
Dans un article publié par Haaretz, Shirli Sitbon a écrit:
"En France, les auteurs d'attaques antisémites utilisent l'argument de la folie pour échapper à la justice. L'utilisation de la maladie mentale comme moyen de défense se répand de plus en plus en matière de crimes de haine en France. Et cela semble fonctionner."
Elle a ajouté, citant des précédents, qu'une sinistre série a commencé avec le meurtre de Sébastien Sellam en 2003. Bien que le meurtrier de ce dernier, Adel Amastaibou, ait dit à la police "S'il est mort, je suis si heureux, ce p *** de juif, ce sale juif, il a été déclaré non responsable en raison de" troubles mentaux ".
En 2006, Ilan Halimi, un Juif français de 23 ans, a été enlevé, torturé pendant 24 jours, puis assassiné par un antisémite musulman Youssouf Fofana et le "gang de barbares" qu'il dirigeait. Ses souffrances, les tortures qu'il a subi, et sa mort, ont créé un énorme choc émotionnel en France. Sa mère, Ruth Halimi, a déclaré à la télévision: "Je veux que la mort de mon fils soit un signal d'alarme." Il semble que le signal n'a pas été entendu.
D'autres morts ont suivi.
Moins d'un an après le meurtre de Sarah Halimi, le 23 mars 2018, une autre femme juive, Mireille Knoll, a été assassinée à Paris. Le principal suspect, Yacine Mihoub, a été accusé par son complice, Alex Carrimbacus, d'avoir poignardé sa victime en criant "Allahu Akbar", et en disant que "les Juifs ont de l'argent". "L'avocat de Mihoud a déclaré que son client n'était pas dans un état" normal " au moment du crime, et a ajouté qu'il ne s'agissait pas d'un meurtre antisémite. Il n'a pas expliqué comment Mihoud avait pu etre assez conscient de ses actes pour, après avoir commis l'assassinat, se rendre dans l'appartement de sa mère et lui demander de laver le couteau qu'il avait utilisé pour tuer. (La mère de Mihoud est maintenant accusée de complicité de meurtre).
L'antisémitisme musulman a longtemps été ignoré en France. Le seul livre en français consacré au sujet - Enquête sur l'antisémitisme musulman: de ses origines à nos jours, de Philippe Simonnot - justifiait en fait l'antisémitisme musulman en affirmant que les Juifs vivant dans le monde musulman avaient soutenu les colonisateurs européens, et en ajoutant que les Juifs ont le tort de soutenir Israël, une " entreprise coloniale basée sur le vol de terres musulmanes".
Un "manifeste contre le nouvel antisémitisme", rédigé par le journaliste Philippe Val, et signé par 250 hommes politiques, écrivains et artistes, a été publié dans Le Parisien le 21 avril 2018, moins d'un mois après le meurtre de Mireille Knoll. Peut-être poussé par un désir d'épargner l'islam et de ne pas dire clairement que les victimes de l'antisémitisme musulman sont les Juifs, Val a écrit: "L'antisémitisme musulman est la plus grande menace pour l'islam du 21e siècle".
Quelques jours plus tard, dans Le Monde, un texte signé par trente imams a été publié, disant que "l'islam n'est pas coupable" et que le problème vient "l'ignorance néfaste". Le texte ajoutait qu'il y avait une solution: "lire le Coran".
Depuis lors, rien n'a changé. Dans un livre récent, La France sans les Juifs, le sociologue Danny Trom analyse l'insécurité croissante subie par les Juifs en France, l'aveuglement volontaire des gouvernements successifs et des tribunaux, et le départ des Juif, année après année:
"La possibilité d'avoir à partir un jour est intégrée dans la perspective de chaque Juif, peu importe comment il se définit ou comment il se rapporte au sionisme. Les départs reflètent non seulement un sentiment d'insécurité grandissant et bien réel, mais aussi un sentiment de solitude et d'abandon face à l'adversité".
Dans un récent article du Figaro, Céline Pina écrit:
"Lorsque l'on tue au nom d'Allah, l'excuse du déséquilibre mental ne tient pas. S'il y a un point commun à tout ce sang qui ne cesse de ruisseler depuis 2012 et l'affaire Merah, c'est l'implantation des islamistes sur notre sol, leur réseau de mosquées, leur propagande par les livres, les antennes paraboliques, leurs discours et leurs représentations qui imprègnent certains quartiers et territoires, leurs manifestations de force, jamais empêchées... la situation n'est pas sous contrôle."