Sur la photo: les dirigeants et les ministres des affaires étrangères du monde entier sont venus à Jérusalem le 23 janvier 2020 pour commémorer le 75e anniversaire de la libération du camp d'extermination d'Auschwitz. (Source de l'image: Getty Images / Pool) |
La cérémonie qui s'est tenue à Jérusalem le 23 janvier pour le 75e anniversaire de la libération du camp d'extermination d'Auschwitz a permis de rappeler au monde ce que fut l'Holocauste et de se souvenir de la seule tentative d'exterminer totalement un peuple entier par des moyens industriels, le pire crime à avoir été perpétré dans l'histoire. Ce fut l'occasion pour les dirigeants qui y ont assisté de réaffirmer la nécessité de combattre la haine anti-juive en un moment où, partout sur terre, elle gagne rapidement du terrain.
"L'assassinat de masse de six millions de Juifs, le pire crime de l'histoire de l'humanité, a été commis par mes compatriotes", a humblement déclaré le président allemand Frank-Walter Steinmeier.
On peut néanmoins se demander si ceux qui sont venus sont réellement prêts à mettre leurs actes en accord avec leurs paroles.
Presque tous les discours ont défini l'antisémitisme de manière vague, et lorsque les mots sont faits plus précis, ils n'ont visé que le national-socialisme et "l'extrême droite".
Les nostalgiques du national-socialisme n'ont pas disparu, et des mouvements politiques d'extrême droite existent, bien sûr; et il importe de rester vigilant. Pour autant, il n'existe nulle part en Occident aujourd'hui des partis politiques qui soutiennent ouvertement le national-socialisme, ou des mouvements d'extrême droite qui promeuvent des idées antisémites. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, aucun meurtre antisémite n'a été commis en Europe par des personnes de "droite".
Aux États-Unis, ceux qui ont perpétré les attaques antisémites de Pittsburgh, en Pennsylvanie, le 27 octobre 2017 et de Poway, en Californie le 30 avril 2019, pouvaient être définis comme des "suprémacistes blancs", mais ils n'appartenaient pas à des mouvements politiques de droite. Ils ont agi seuls et ont mêlé leurs idées antisémites à des affirmations étranges.
Le criminel de Pittsburgh, Robert Bowers, a cité l'Évangile selon Saint Jean pour dire que "les Juifs sont les enfants de Satan" et a écrit que la Hebrew Immigrant Aid Society, une organisation à but non lucratif qui fournit une aide humanitaire et une assistance aux immigrants, "fait entrer des envahisseurs qui tuent notre peuple ".
Le criminal de Poway, John Timothy Earnest, a publié une lettre ouverte dans laquelle il accuse les Juifs de "génocide envers la race européenne" et cite Martin Luther, Adolf Hitler, Ludwig van Beethoven, Saint Paul, Pink Guy et Jésus Christ.
David Anderson et Francine Graham, les meurtriers qui ont assassiné des gens dans un magasin cacher de Jersey City le 10 décembre 2019, étaient liés à une secte, les Black Hebrew Israelites.
Grafton E. Thomas, l'homme qui a agressé à l'arme blanche plusieurs personnes à Monsey, New York, le 28 décembre 2019, a laissé des messages parlant d'Hitler et des Black Hebrew Israelites encore.
En Europe, pratiquement toutes les attaques antisémites, toutes les menaces envers des Juifs et tous les meurtres de Juifs ces dernières années ont été perpétrés par des Musulmans. Malmö, la troisième ville de Suède, une ville où la communauté juive vivait en paix depuis des décennies, a vu une grande partie de sa population juive fuir après l'arrivée d'immigrants musulmans et la généralisation des actes de harcèlement anti-juif qui a suivi.
Depuis 1400 ans, l'incitation à la haine anti-juive est omniprésente dans une grande partie du monde musulman. En 2002, le grand spécialiste de l'antisémitisme, Robert Wistrich a publié un livre appelé "L'antisémitisme musulman: un clair et présent danger". "L'antisémitisme qui imprègne la presse et les gouvernements du monde arabe", écrivait-il, "a pris racine dans le corps politique de l'islam à un degré sans précédent". Des études ultérieures ont révélé qu'au cours des deux décennies qui se sont écoulées depuis, la situation ne s'est pas améliorée. Dans un texte publié en 2019, "Repenser le rôle de la religion dans les discours antisémites arabes", Esther Webman, chercheuse à l'Institut Stephen Roth pour l'étude de l'antisémitisme et du racisme, fournit des exemples effrayants. Manfred Gerstenfeld, du Jerusalem Center for Public Affairs, a noté que "l'immigration massive et non sélective de Musulmans en Europe occidentale a eu un impact grave et profond sur la communauté juive européenne" et que "pour les Juifs, les conséquences de cette immigration sont presque entièrement négatives."
Lors de la cérémonie à Jérusalem, l'antisémitisme musulman n'a pas été mentionné.
"L'anti-sionisme" - l'hostilité radicale à l'existence d'Israël, que les gauchistes soutiennent partout dans le monde occidental, et qui a souvent conduit à des manifestations antisémites au cours desquelles des gens ont crié "Mort aux Juifs" comme à Paris le 13 juillet , 2014, ou "Vous, sioniste, la mort viendra vous prendre", comme à Londres le 13 novembre 2019, n'a pas été mentionné non plus.
Le fait que l '"antisioniste" Jeremy Corbyn ait semblé être aux portes du pouvoir au Royaume-Uni avant ses élections du 12 décembre - et le fait que la communauté juive britannique ait ete si anxieuse que le grand rabbin britannique Ephraim Mirvis ait pensé nécessaire de dénoncer le "poison" qui "a pris racine" dans le parti travailliste – ont semblé totalement oubliés.
Lors de la cérémonie, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a demandé au monde de s'unir pour s'opposer au regime des mollahs en Iran, qu'il a décrit à juste titre comme "le régime le plus antisémite de la planète", et il a ajouté qu""il n'y aura pas un autre Holocauste ", mais ses mots ont paru tomber dans l'oreille de sourds. La seule personne qui a soutenu ses propos a été le vice-président américain Mike Pence. Tous les autres dirigeants présents sont restés silencieux et ont évité le sujet.
Le Président français Emmanuel Macron, après avoir regardé Netanyahu et Pence, a déclaré: "L'Holocauste n'est pas être un événement qu'on peut manipuler ou utiliser". Il a également parlé de "l'histoire folle de gens qui pensent que leur avenir se construira dans la négation de l'autre", sous-entendant ainsi, faussement, qu'Israël et les Juifs d'Israël entendent nier l'existence d'un autre peuple. La réalité est au contraire que ce sont les Arabes aujourd'hui appelés Palestiniens qui nient 3000 ans de présence et d'histoire juive sur la terre d'Israel.
Quelques heures avant son discours, Macron avait rendu une visite amicale au Président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, à Ramallah, paraissant ignorer qu'Abbas a rédigé en 1982 une thèse de doctorat, "L'autre visage: les liens secrets entre le nazisme et les dirigeants du mouvement sioniste ". La thèse, basée sur les travaux d'Adolf Eichmann, alléguait faussement que les sionistes avaient collaboré avec les nazis aux fins d'encourager l'immigration juive en Palestine mandataire.
Le Prince Charles, qui représentait le Royaume-Uni a lui aussi rendu visite à Abbas, et a exprimé son "chagrin" face aux "souffrances des Palestiniens" - sans dire qu'une grande partie de ces souffrances sont causées non pas par Israël, mais par les dirigeants palestiniens, qui sont irresponsables et corrompus.
Plusieurs autres dimensions des choses ont également été laissées de coté lors de la cérémonie: le fait que l'Autorité palestinienne incite sans cesse à la haine anti-juive et persiste à financer et à soutenir le terrorisme contre les Juifs; le fait que chaque année en consequence, des juifs israéliens sont assassinés dans des attentats terroristes palestiniens et sont victimes de ce que le journaliste italien Giulio Meotti a appelé une " lente Shoah"; le fait que la plupart des Juifs assassinés ces dernières années l'ont été par des terroristes palestiniens, et le fait que les Palestiniens, les Iraniens et d'autres extrémistes religieux sont aujourd'hui les principaux artisans de la haine anti-juive.
Avant la Deuxième Guerre mondiale, l'antisémitisme était non seulement omniprésent dans le monde occidental – mais très largement toléré. Le régime nazi allemand a pu mener des persécutions antisémites qui ont conduit à l'Holocauste dans l'indifférence générale. Lors de la conférence d'Evian en juillet 1938, aucun pays n'a accepté d'accueillir des Juifs allemands en quête de refuge. Deux mois plus tard, le Premier ministre britannique Neville Chamberlain et le Premier ministre français Édouard Daladier ont rencontré le Führer allemand Adolf Hitler à Munich et n'ont pas même parlé des Juifs. La Nuit de cristal, du 9 au 10 novembre 1938, bien que décrite dans le monde entier par la presse, n'a pas provoqué la moindre réaction officielle. Les armées alliées n'ont jamais reçu l'ordre de détruire les lignes de chemins de fer qui menaient à Auschwitz et aux autres camps de la mort.
Après la chute du régime nazi en 1945, l'antisémitisme est, pendant un certain temps, devenu honteux en Occident. Mais l'Holocauste a été largement ignoré. Lorsque Primo Levi a publié Si c'est un homme, en 1947, il ne s'en est vendu qu'un millier d'exemplaires. En 1958, onze ans plus tard, La nuit, d'Elie Wiesel a subi le même sort.
Le souvenir de l'Holocauste a émergé à la fin des années 1970, lorsque la série télévisée américaine Holocauste a été diffusée à la télévision, et plus encore lorsque le documentaire de Claude Lanzmann, Shoah, est sortie en salle en 1985. Des cérémonies à la mémoire de la Shoah ont été organisées dans les pays occidentaux. Les dirigeants politiques occidentaux ont parlé d'un "devoir de mémoire" et des musées et monuments dédiés à l'Holocauste ont été construits. Le Musée de l'Holocauste des États-Unis a ouvert ses portes en 1993. Le Mémorial de la Shoah à Paris et le Mémorial aux Juifs assassinés d'Europe à Berlin ont été inaugurés en 2005, la même année, les Nations Unies ont institué une Journée internationale du souvenir de l'Holocauste.
Depuis lors, l'antisémitisme néo-nazi et d'extrême droite a été sans cesse dénoncé, mais d'autres types d'antisémitisme ont gagné du terrain. Et tout comme dans les années 1930, l'antisémitisme national-socialiste et l'antisémitisme d'extrême droite - et leurs conséquences pour les Juifs - ne présentaient d'intérêt pour personne, l'antisémitisme qui monte en puissance aujourd'hui ne semble intéresser personne.
Bien que la cérémonie du 23 janvier ait eu lieu dans la capitale d'Israël, Jérusalem, aucun des pays représentés à l'exception des États-Unis, n'a semblé intéressé par les menaces pesant sur Israël ou par les intentions génocidaires des ennemis du pays.
Si, il y a sept décennies, l'existence de l'État d'Israël tout juste né avait dépendu des pays représentés à la cérémonie ... la guerre qui a été immédiatement déclarée au pays aurait conduit à un immense massacre, seulement trois ans après la chute du régime nazi en Allemagne, et aurait été un un deuxième Holocauste.
Le 29 novembre 1947, une majorité de pays à l'Assemblée générale des Nations Unies ont voté en faveur du plan de partage pour la Palestine, et ont soutenu la création d'un État juif indépendant. Mais quand Israël a proclamé son indépendance, le 14 mai 1948, et que cinq pays arabes ont lancé une guerre pour détruire le pays nouveau-né et sa population juive de moins de 800 000 personnes, aucun pays n'a soutenu Israël. Les Juifs d'Israël n'ont pu compter que sur eux-mêmes. Très peu armés, ils se sont battus héroïquement. Près de 6 400 d'entre eux ont été tués.
La cérémonie du 23 janvier a montré au monde qu'Israël vivait et pouvait s'affirmer et se défendre. Néanmoins, en ce qu'ils n'ont pas dénoncé les formes les plus dangereuses et les plus meurtrières de l'antisémitisme aujourd'hui, les discours prononcés n'auront aucun effet sur la montée actuelle de l'antisémitisme, et ne se traduiront probablement pas par un soutien accru à l'État juif.
Le 28 janvier 2020, le Président américain Donald J. Trump a présenté ce que la journaliste britannique Melanie Phillips a décrit comme le premier plan de paix qui "place la sécurité d'Israël avant toute autre considération" et qui "soutient sans équivoque l'existence future d'Israël et refuse l'apaisement des forces du mal". Le gouvernement français en lisant le plan, a réagi poliment mais négativement, et a dit que la France soutient toujours "la solution à deux États et la création d'un État palestinien aux frontières internationalement reconnues", ce qui signifie des frontières sur lignes d'armistice de 1949, considérées comme militairement indéfendables.
Le Ministre allemand des Affaires étrangères Heiko Maas a déclaré que l'Allemagne soutenait "une solution à deux États fondée sur les paramètres internationalement reconnus pour régler le conflit israélo-palestinien".
Josep Borrell, le nouveau haut représentant de l'UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a annoncé le 4 février que l'UE "se tenait à distance" du plan de paix américain et que si Israël décidait de l'appliquer, "ce ne serait pas sans conséquence". Le Ministère israélien des Affaires étrangères a noté que le choix de Borrell d'utiliser "un langage menaçant envers Israël" était "regrettable", et a souligné que Borrell avait fait ses remarques peu après avoir rencontré de manière amicale les dirigeants iraniens.
"Beaucoup de paroles ont été prononcées, mais peu de choses suivront", a écrit la journaliste Nurit Greenger quelques jours après la cérémonie du 23 janvier. "La réalité montre que trop souvent, les déclarations des dirigeants du monde concernant la lutte contre l'antisémitisme ne sont que des mots".
Soixante-quinze ans après Auschwitz, l'antisémitisme est bien vivant - et la majeure partie du monde occidental reste indifférente au sort des Juifs.