Le 12 mars, la Croix-Rouge chinoise a envoyé en Italie une équipe médicale de neuf personnes et environ 30 tonnes de matériel. Photo : le 14 mars, Francesco Vaglia, chef du service des maladies infectieuses de l'hôpital Spallanzani (à droite), à Rome, accueille la délégation de médecins chinois. (Photo Andreas Solaro / AFP via Getty Images) |
Le gouvernement chinois multiplie les gestes de solidarité médicale envers une Europe qui, après Wuhan (province du Hubei, Chine), est devenue l'épicentre de la pandémie de coronavirus. Ces largesses sont au cœur d'une vaste opération de relations publiques du président chinois Xi Jinping et du Parti communiste pour détourner les critiques contre leur responsabilité dans la propagation d'une épidémie meurtrière.
Il n'est pas exclu que cette posture de la Chine en bienfaiteur de l'humanité donne des résultats tant les dirigeants européens ont pris l'habitude de ne jamais contrarier le deuxième partenaire commercial de l'Union. Le public européen, qui encaisse de plein fouet les souffrances causées par l'épidémie, sera-t-il aussi enclin à ignorer les méfaits des autorités chinoises ?
Dans ce qui s'apparente à une humiliation géopolitique, Ursula Von der Leyen, présidente de la Commission européenne, l'exécutif d'une l'Union européenne qui se vante de représenter « la plus grande économie du monde, » a multiplié les courbettes pour de menus cadeaux de matériel médical chinois. »
« J'ai parlé avec le Premier ministre chinois Li Keqiang qui a annoncé la fourniture par la Chine de 2 millions de masques chirurgicaux, de 200 000 masques N95 et de 50 000 tests de dépistage. En janvier, l'Union européenne a fait don à la Chine de 50 tonnes de matériel. Aujourd'hui, nous remercions la Chine pour son aide. Il est bon de s'aider mutuellement en cas de besoin. »
La Chine est intervenue quand l'Union européenne s'est avérée incapable d'apporter une assistance significative à l'Italie, troisième économie de l'Union, durement touchée par le virus et que l'Allemagne, le pays le plus puissant de l'UE, a bloqué toute exportation de masques, gants, combinaisons et autre équipement de protection afin d'éviter de se retrouver elle-même en état de pénurie.
Le 12 mars, la Chine a envoyé en Italie une équipe médicale de neuf personnes de la Croix-Rouge chinoise et quelques 30 tonnes de matériel médical. Le chef de la Croix-Rouge italienne, Francesco Rocca, a déclaré que cet envoi « révélait le pouvoir de la solidarité internationale ». Il a ajouté :
« En ce moment de stress intense et de grande difficulté, ces fournitures sont un soulagement. Cette aide n'aura qu'une utilité temporaire, mais cela ne retire rien à son importance. En cet instant, nous avons un besoin désespéré de masques. Nous avons besoin de ces respirateurs. Ces dons de la Croix-Rouge au gouvernement italien ont une incommensurable importance pour notre pays. »
Ces derniers jours, la Chine a procédé à des envois de matériel médical à :
- La Grèce. Le 21 mars, un avion d'Air China transportant 8 tonnes de matériel médical - dont 550 000 masques chirurgicaux, et divers équipements de protection comme des lunettes, des gants et des couvre-chaussures - est arrivé à l'aéroport international d'Athènes. L'ambassadeur de Chine en Grèce, Zhang Qiyue, a cité Aristote: « Qu'est-ce qu'un ami? Une seule âme vivant dans deux corps ». Il a déclaré que « les vrais amis se révèlent dans les moments difficiles » et que la Chine et la Grèce « luttent en étroite collaboration contre le coronavirus ». Cela, « confirme une fois de plus les excellentes relations et l'amitié entre les deux peuples » a conclu Zhang Qiyue.
- Serbie. Le 21 mars, la Chine a envoyé six médecins, des respirateurs artificiels et des masques chirurgicaux en Serbie pour aider Belgrade à stopper la propagation du coronavirus. « Un grand merci au président Xi Jinping, au Parti communiste chinois et au peuple chinois », a déclaré le président serbe Aleksandar Vucic. L'ambassadeur de Chine à Belgrade, Chen Bo, a déclaré que l'aide était un signe de « l'amitié de fer » entre les deux pays. L'agence de presse chinoise Xinghua a rapporté : « Le président Xi attache une grande importance au développement des relations sino-serbes et pense que l'amitié de longue date entre les deux peuples gagnera encore profondeur à travers la lutte conjointe contre l'épidémie ». Le président Xi espère aussi « que le partenariat stratégique entre les deux pays ira en s'approfondissant et vers de nouveaux sommets ».
- Espagne. Le 21 mars, le fondateur et président de la société chinoise Huawei, Ren Zhengfei, a fait don à l'Espagne d'un million de masques qui devaient arriver à l'aéroport de Saragosse, dans le nord-est de l'Espagne, le 23 mars. Les masques seront stockés dans un entrepôt du distributeur de vêtements espagnol Zara qui mettra ensuite son réseau logistique au service du gouvernement espagnol. Cet envoi ne sera sans doute pas isolé car des dizaines de fournisseurs et sous-traitants chinois de Zara ont fait savoir qu'ils se mobilisaient pour envoyer du matériel médical en Espagne. Les États-Unis ont mis en garde l'Espagne contre le risque inhérent à l'ouverture de leurs réseaux de communication de cinquième génération aux fournisseurs chinois de technologies mobiles, notamment Huawei.
- République tchèque. Le 21 mars, un avion-cargo ukrainien chargé de 100 tonnes de fournitures médicales en provenance de Chine, a atterri à l'aéroport de Pardubice, une ville située à 100 kilomètres à l'est de Prague. Le 20 mars, un avion chinois a déchargé un million de masques en République tchèque. Une commande de 5 millions de respirateurs artificiels, de 30 millions de masques et de 250 000 combinaisons de protection est attendue en provenance de Chine.
- France. Le 18 mars, la Chine a envoyé en France, deuxième pays le plus puissant de l'Union européenne, un lot de fournitures médicales, dont des masques de protection, des masques chirurgicaux, des combinaisons de protection et des gants médicaux. L'ambassade de Chine en France a tweeté : « Unis, nous gagnerons ! » Le lendemain, la Chine a fait parvenir à la France un deuxième lot de fournitures médicales. L'ambassade de Chine a tweeté : « Le peuple chinois se tient aux côtés du peuple français. La solidarité et la coopération nous permettront de surmonter cette pandémie. »
- Pays-Bas. Le 18 mars, China Eastern Airlines, China Southern Airlines et Xiamen Airlines, partenaires de KLM Royal Dutch Airlines sur des vols à code partagé, ont fait don à KLM de 20 000 masques et 50 000 paires de gants médicaux. Le chargement est arrivé à l'aéroport d'Amsterdam Schiphol sur un vol de Xiamen Airlines. « Notre pays et notre entreprise vivent des moments extrêmement difficiles, nous sommes donc très heureux de cette aide pour KLM et les Pays-Bas », a déclaré Pieter Elbers, PDG de KLM. « Il y a moins de deux mois, KLM a fait un don à la Chine et maintenant nous sommes aidés si merveilleusement et de façon si généreuse. »
- Pologne. Le 18 mars, le gouvernement chinois s'est engagé à envoyer à la Pologne des dizaines de milliers d'articles de protection et 10 000 kits de dépistage du coronavirus. Le 13 mars, l'ambassade de Chine à Varsovie a parrainé une vidéoconférence au cours de laquelle des experts de Chine et d'Europe centrale ont partagé leurs connaissances sur la lutte contre le coronavirus. Le ministre des Affaires étrangères, Jacek Czaputowicz, a remercié la Chine pour son soutien dans la lutte contre la pandémie et a souligné la nécessité de poursuivre la coopération et le partage d'expériences avec Pékin.
- Belgique. Le 18 mars, un avion-cargo chinois a atterri à l'aéroport de Liège avec à son bord 1,5 million de masques qui seront distribués en Belgique, en France et en Slovénie. Ce matériel médical est un don de Jack Ma, le fondateur d'Alibaba, un géant chinois du commerce électronique connu sous le nom d '« Amazon chinois ».
- République tchèque. Le 18 mars, un avion a atterri à Prague avec à son bord 150 000 tests de dépistage du coronavirus. Le Ministère de la santé a payé environ 14 millions de couronnes tchèques (450 000 euros) pour 100 000 tests, tandis que les 50 000 autres tests de dépistage ont été payés par le Ministère de l'intérieur. Le transport était assuré par le Ministère de la défense.
- Espagne. Le 17 mars, un avion chinois a déchargé 500 000 masques chirurgicaux à l'aéroport de Saragosse. « Le soleil se lève toujours après la pluie », a déclaré le président chinois Xi Jinping au Premier ministre espagnol Pedro Sánchez. Il a ajouté que l'amitié entre la Chine et l'Espagne sortira renforcée de la crise et que les relations bilatérales resplendiront après la lutte commune contre le virus. M. Xi a déclaré qu'après la pandémie, les deux pays devraient intensifier les échanges et la coopération dans un large éventail de domaines.
- Belgique. Le 16 mars, divers lots de fournitures médicales financées par la Fondation Jack Ma et la Fondation Alibaba sont arrivés à l'aéroport de Liège pour aider à la prévention du coronavirus en Belgique.
Le magazine Fortune a expliqué la propagande chinoise ainsi :
« Pour la Chine, la main tendue à l'Europe est partie intégrante d'un projet de construction d'un leadership international qui arrive immédiatement après une politique de dissimulation qui a contribué à la propagation du virus bien au-delà des frontières chinoises. Le gouvernement du président Xi Jinping a cherché à faire taire les critiques, y compris celles des journalistes et des commentateurs en ligne, et a aussi diffusé des théories du complot sur l'origine du virus.
« Au plan géopolitique, la Chine tente de se faire passer pour le sauveur de l'Europe afin d'améliorer sa position sur la scène mondiale ou elle est en compétition avec l'administration Trump. La Chine et les États-Unis mènent une lutte sur tous les plans pour conquérir une influence mondiale - Pékin a expulsé plus d'une douzaine de journalistes américains cette semaine - tout en détournant l'attention pour leur gestion de la maladie. »
Dans une interview accordée au journal britannique Guardian, Natasha Kassam, ancienne diplomate australienne, a déclaré :
« Maintenant, nous voyons des responsables chinois et des médias d'État chinois affirmer que la Chine a donné du temps au reste du monde pour se préparer à cette pandémie. Nous savions que la machine de propagande chinoise était capable de réécrire l'histoire en Chine, mais nous constatons maintenant que cette réécriture se produit aussi à l'étranger. La victoire de la Chine sur le Covid-19 a déjà été écrite et les autorités s'efforcent de faire passer le message à l'étranger. »
Dans un essai pour la publication espagnole Libertad Digital , le commentateur Emilio Campmany a astucieusement expliqué :
« La Chine a mobilisé l'intégralité de son énorme appareil de propagande. L'Italie, qui, à juste titre, s'est sentie abandonnés par l'Union européenne, éprouve aujourd'hui de la reconnaissance envers l'aide que les pays d'Asie lui apportent. Les médias italiens ont amplement évoqué la question.
« Cette opération de propagande dissimule des vérités de nature différente. La première et la plus importante dissimulation est que cette pandémie a un coupable et que ce coupable est le régime chinois. Ce n'est pas une théorie du complot que de le souligner. Il est établi que les marchés chinois d'animaux vivants représentent un danger épidémique très grave. Le régime communiste de la République populaire qui ne plaisante jamais sur rien et qui contrôle tous les aspects de la vie des Chinois, a été incapable d'y mettre fin. Lorsque les premiers cas sont apparus, ce Parti communiste en apparence si efficace a mis une éternité à réagir et n'a mobilisé ses innombrables ressources que pour cacher la vérité. Quand il lui a été impossible de dissimuler la vérité, il est intervenu brutalement, et c'est à ce prix qu'il a réussi à endiguer l'épidémie. Mais c'est aussi en raison des négligence de ce régime, que le virus s'est propagé au monde entier.
« La seconde vérité est que la bestialité communiste n'est pas le meilleur outil contre le virus. De bien meilleurs résultats ont été obtenus par l'intelligence capitaliste dans des pays comme la Corée du Sud. Mieux que la Chine, la Corée a montré combien une politique de dépistage massive peut-être payante. C'est la meilleure politique pour l'instant, et il est incroyable que les Italiens et les Espagnols aient mis autant de temps pour le comprendre. Ces retard s'expliquent moins par la propagande communiste que par le fait pour ces pays européens d'être gouverné par des incompétents qui, de surcroit, sont socialistes et communistes.
« La Chine entend profiter de cette calamité pour arracher le leadership mondial aux États-Unis. Ce sera le pays communiste qui nous fabriquera les médicaments les plus énergiques pour lutter contre le virus. Elle découvrira le vaccin avant tout le monde et le distribuera dans le monde entier en un temps record. Elle achètera ensuite nos actifs et investira dans nos pays pour sauver nos économies. Et à la fin de l'histoire, la Chine affirmera haut et fort qu'elle a été notre sauveur. »
Soeren Kern est Senior Fellow du Gatestone Institute de New York.