Mette Frederiksen, Premier ministre danois, a annoncé que son gouvernement entendait limiter drastiquement à l'avenir le nombre de demandeurs d'asile au Danemark. Photo : pour endiguer le flux de réfugiés et de migrants, la police danoise contrôle l'identité des automobilistes qui arrivent d'Allemagne, au poste-frontière de l'autoroute A7, le 6 janvier 2016 près de Padborg, au Danemark. (Photo par Sean Gallup / Getty Images) |
Mette Frederiksen, Premier ministre danois, a annoncé que son gouvernement entendait limiter drastiquement le nombre de personnes autorisées à déposer un dossier de demande d'asile au Danemark. Le but de ces restrictions, a-t-elle dit, est de préserver la « cohésion sociale » du pays.
Les promesses de Frederiksen, ont été applaudies par certains et considérées comme vaines par d'autres. Elles sont en tous cas la dernière péripétie d'un débat déjà ancien sur le multiculturalisme et le rôle de l'islam au sein de la société danoise.
Le Danemark, qui compte 5,8 millions d'habitants, a enregistré environ 40 000 dépôts de demandes d'asile au cours des cinq dernières années, selon les données de Statista, l'administration chargée de la statistique. Ce pays de culture luthérienne s'interroge sur le nombre de réfugiés qu'il lui est possible d'accueillir en provenance de pays musulmans d'Afrique, d'Asie et du Moyen-Orient.
Au cours d'un passé récent, le Danemark a favorisé une importante immigration de peuplement en provenance de pays non occidentaux. Selon Statista, le Danemark abrite aujourd'hui d'importantes communautés d'immigrants en provenance de Syrie (35 536); de Turquie (33 111); d'Iraq (21 840); d'Iran (17 195); du Pakistan (14 471); d'Afghanistan (13 864); du Liban (12 990) et de Somalie (11 282).
Les musulmans représentent déjà 5,5% de la population danoise indique le Pew Research Center. A horizon 2050, le taux de progression de cette population musulmane variera selon les scénarios migratoires qui seront mis en place. A « migration zéro », la population musulmane représentera 7,6% de la population totale ; elle atteindra 11,9% avec « une migration moyenne » ; et 16% de la population totale si un « scénario de forte migration » est maintenu.
Au Danemark comme ailleurs en Europe, les migrations de masse ont entraîné une hausse de la criminalité et de fortes tensions sociales. Les villes danoises ont été la proie de fusillades, d'incendies de voitures et de rixes entre gangs. L'augmentation de la criminalité est telle que l'ambassade des États-Unis à émis une alerte de sécurité en raison de la montée de la violence armée dans la capitale danoise.
Le 22 janvier, lors d'une audition parlementaire sur la politique d'immigration danoise, Frederiksen, une social-démocrate, a déclaré qu'elle était déterminée à réduire le nombre de demandeurs d'asile :
« Notre objectif est zéro demandeurs d'asiles. Cet objectif n'est pas atteignable dans l'immédiat, mais le système doit être repensé, et notre rôle sera d'agir au mieux ensuite pour le mettre en place. Nous ne souhaitons pas que trop de gens viennent dans notre pays, car notre cohésion sociale n'y résisterait pas. Elle est déjà sérieusement secouée. »
Frederiksen, qui est Premier ministre depuis juin 2019, a ajouté que « les politiciens du passé » ont « commis une grossière erreur » en n'obligeant pas les migrants à s'intégrer à la société danoise.
Pia Kjærsgaard, membre du Parti du peuple danois, connue pour son opposition au multiculturalisme, a rétorqué que toutes les mesures mises en place par Frederiksen encourageaient l'immigration au lieu de la freiner :
- Frederiksen a autorisé les réfugiés à rester au Danemark tant qu'ils occupent un emploi.
- Elle a permis aux demandeurs d'asile dont les dossiers ont été rejetés de demeurer au Danemark.
- Elle a accepté les quotas annuels de réfugiés imposés par l'UE.
- Elle a supprimé la condition de résidence pour être éligible aux allocations chômage.
- Elle a introduit une nouvelle allocation pour enfant qui, selon Kjærsgaard, bénéficiera d'abord les familles immigrées.
Dans une déclaration au Parlement, Kjærsgaard a déclaré que le laxisme du gouvernement aggravait le risque d'une nouvelle crise migratoire :
« Malheureusement, les sociaux-démocrates ont assoupli la politique d'immigration, et cela est d'autant plus regrettable que nous sommes en phase avec eux sur de nombreux thèmes de politique étrangère. Il faut donc s'attendre à une hausse du nombre de demandeurs d'asile dès la fin de la pandémie liée au Covid -19. Il suffit de jeter un coup d'œil sur les îles Canaries ; elles sont inondées de réfugiés. Dès la fin de la pandémie, nous risquons une nouvelle crise migratoire, aussi importante que celle de 2015. »
Dans un communiqué, le Parti populaire danois a ajouté :
« Après des décennies d'efforts, l'immigration au Danemark, en particulier celle liée aux réfugiés et au regroupement familial des réfugiés, a été réduite. Néanmoins, force est de constater que cette immigration a changé à jamais la société danoise, et à bien des égards, l'a affectée négativement. Il est indispensable que les réfugiés et leurs familles regagnent leur pays d'origine chaque fois que cela est possible, et les autorités danoises par la législation et par volonté politique doivent imposer cette règle.
« Nous déclarons en outre que la politique d'immigration danoise depuis 1983 a autorisé la présence d'une importante population de culture musulmane. Cette immigration ne peut pas ou ne veut pas adopter les valeurs et traditions danoises. Elle conserve pour elle-même des valeurs culturelles et religieuses éloignées de celles qui dominent au Danemark et qui deviennent problématiques en termes d'emploi, d'économie et de sécurité.
« Nous appelons donc le gouvernement à prendre des initiatives qui encouragent les réfugiés qui vivent ici avec leur famille à regagner leur pays d'origine le plus rapidement possible ».
Le 21 janvier, le ministre de l'Immigration Mattias Tesfaye, dans une interview au Jyllands-Posten, a réaffirmé que la politique d'immigration était partie intégrante d'un combat culturel plus vaste :
« Une grande partie de l'islam au Danemark est aujourd'hui représentée par des extrémistes. La lutte contre l'islamisme est la clé de la survie de l'Etat providence. Le Danemark ne doit pas s'adapter à l'islam. C'est l"islam qui doit s'adapter au Danemark. »
Ces dernières années, le Danemark a engagé un certain nombre de réformes visant à promouvoir l'intégration et à décourager l'immigration de masse.
Ainsi, en janvier 2021, le gouvernement a déposé un projet de loi qui imposera que tous les sermons et homélies dans les lieux de culte soient prononcés en danois. Les protestants et les catholiques ont hurlé à la discrimination et affirmé que cette loi était inconstitutionnelle. Thomas B. Mikkelsen, président de l'Alliance évangélique du Danemark, a déclaré :
« La loi vise à protéger la communauté nationale de l'islam radical, mais l'objectif a été raté d'emblée. Les groupes radicaux forment des sociétés parallèles et vivent en marge sans jamais rechercher une quelconque reconnaissance officielle. Je ne pense pas qu'une nouvelle loi les affectera d'une manière quelconque. »
Anna Mirijam Kaschner, porte-parole de la Conférence épiscopale nordique, a déclaré :
« Cette loi vise les musulmans – et entend lutter contre la formation de sociétés parallèles et contre des prêches que personne ne comprend et qui pourraient inciter à la radicalisation et encourager au terrorisme. Mais toutes les églises, les congrégations juives et les 40 communautés religieuses que compte le Danemark - seront affectées par cette loi ...
« Cette loi s'inscrit dans une stratégie de contrôle renforcé. Elle n'aura aucune effet sur les musulmans radicalisés dont les communautés religieuses ne sont même pas reconnues. En revanche, elle affectera les communautés religieuses plus petites, y compris l'église catholique. »
En octobre 2020, le gouvernement a proposé une loi sur le rapatriement obligatoire des demandeurs d'asile déboutés. Environ 1 100 personnes dont les dossiers n'ont pas été retenus auraient dû quitter le Danemark ; 200 d'entre eux ont vécu au Danemark pendant plus de cinq ans. La loi a également prévu une prime au départ de 20 000 couronnes danoises (2 700 euros).
En septembre 2020, le gouvernement a créé un nouveau poste d'ambassadeur et un groupe de travail pour établir des centres d'accueil des migrants dans des pays hors Union européenne - en Libye, en Tunisie ou au Maroc.
Toujours en septembre 2020, le gouvernement a proposé un amendement à la loi sur la citoyenneté des étrangers afin de déchoir de leur nationalité danoise les djihadistes partis combattre à l'étranger. Le ministre Kaare Dybvad a déclaré :
« Le gouvernement fera tout pour empêcher le retour de combattants étrangers qui ont tourné le dos au Danemark. Nous parlons d'hommes et de femmes qui ont commis ou participé à des crimes scandaleux. Par conséquent, il doit être également possible de les priver de leur citoyenneté. »
En juin 2018, le Parlement danois a voté l'interdiction du voile islamique intégral dans les espaces publics. La loi, parrainée par le gouvernement de centre-droit au pouvoir à l'époque, et soutenue par les sociaux-démocrates et le Parti du peuple danois, a été adoptée par 75 voix contre 30. Toute personne surprise en burka (qui couvre tout le visage) ou en niqab (qui couvre tout le visage sauf les yeux) dans l'espace public sera passible d'une amende de 1 000 couronnes danoises (134 €) ; les récidivistes pourraient être condamnées à une amende de 10 000 couronnes danoises. De plus, toute personne qui, par la force ou la menace, obligerait une femme à se couvrir le visage pourrait être condamnée à une amende ou à une peine pouvant aller jusqu'à deux ans d'emprisonnement.
Les musulmans ont réagi à la nouvelle loi par un acte de défi : une douzaine de femmes en burkas et niqabs ont manifesté assises dans la galerie des visiteurs du parlement de Copenhague. L'un d'elles a dit : « Jamais je ne transigerai sur mes principes. »
Le ministre de la Justice Søren Pape Poulsen, avait répondu à l'époque, que « certaines personnes refusent de s'intégrer à la société danoise et entendent établir des sociétés parallèles avec leurs propres normes et règles ». Ceci, a-t-il ajouté, a prouvé la nécessité d'une interdiction de la burqa : « Nous voulons vivre dans une société où nous pouvons nous regarder dans les yeux ; dans une démocratie ouverte chacun doit pouvoir voir le visage de l'autre. C'est ainsi que les Danois définissent leur vivre-ensemble. »
En janvier 2016, le Parlement danois a adopté plusieurs mesures visant à réduire le nombre de demandeurs d'asile :
- La loi prévoit désormais que seuls les réfugiés ayant le plus grand potentiel d'intégration soient acceptés.
- un demandeur d'asile ne pourra se prévaloir de la loi sur le regroupement familial que trois ans après son admission à résider au Danemark.
- Le délai avant l'octroi du statut de résident permanent a été allongé.
- De nouvelles exigences ont été introduites avant l'attribution du statut de résident permanent, à commencer par l'obligation de fournir la preuve de ses compétences linguistiques.
- De nouvelles règles permettent désormais de déchoir une personne de son statut de résident permanent ou temporaire.
- Le regroupement familial et la conversion d'un permis de séjour temporaire en permis de séjour permanent font l'objet d'une taxe.
- l'aide économique aux demandeurs d'asile a été réduite de 10%.
- La police a été autorisée à confisquer les objets de valeur détenus par les demandeurs d'asile afin de couvrir le coût de leur séjour.
- Les demandeurs d'asile sont tenus de vivre dans des centres d'hébergement spéciaux.
L'ancienne ministre danoise de l'Immigration Inger Støjberg, celle qui s'est fait connaître pour son rôle dans la rédaction des règles ci-dessus et qui sont parmi les plus restrictives de l'Union européenne à 27, est aujourd'hui en butte à un procès fédéral pour avoir ordonné que les couples mineurs de demandeurs d'asile soient séparés.
En février 2016, Støjberg, qui a été ministre de 2015 à 2019, a ordonné que tous les demandeurs d'asile voyageant en couple soient séparés si l'un ou les deux membres du couple sont âgés de moins de 18 ans. La règle devait être appliquée sans exception, même si les femmes étaient enceintes.
Støjberg, du Parti libéral de centre-droit, a déclaré que sa décision de séparer les couples était basée sur un article de Berlingske, un quotidien national, qui évoquait en janvier 2016, la situation de jeunes mariées mineures hébergées dans des centres d'accueil danois. L'ex-ministre a affirmé qu'elle était motivée par le désir de protéger les jeunes filles contre le mariage forcé avant qu'elles ne deviennent adultes.
Dans un post Facebook de mai 2016, Støjberg a écrit qu'elle était intervenue après avoir découvert que dans un centre d'accueil danois, une « fillette » syrienne de 16 ans cohabitait avec un homme de 50 ans. Les critiques multiculturalistes de Støjberg ont accusé l'ex-ministre d'avoir inventé l'histoire.
Le droit danois impose que la situation de chaque couple soit évaluée séparément. L'ordre de Støjberg de séparer tous les couples mineurs - 23 couples en tout - a fait l'objet d'une plainte de la part d'un couple syrien non identifié et un médiateur parlementaire a jugé que le ministre avait agi en toute illégalité.
Le médiateur a établi que 34 filles mineures, dont environ la moitié étaient enceintes, cohabitaient avec des hommes adultes dans des centres d'asile danois.
Il est possible que l'ordre de séparer les couples mineurs soit techniquement illégal, mais les poursuites judiciaires engagées contre Støjberg sont à l'évidence une vendetta politique contre une personnalité politique qui a eu le courage de prendre des mesures politiquement incorrectes contre les abus de la migration de masse.
Le 24 janvier, dans son dernier discours en tant que vice-présidente du Parti libéral, Støjberg n'a pas imaginé une seconde de s'excuser :
« Le Parti libéral doit mener une politique étrangère claire, crédible et stricte. Cela exige d'avoir le courage de dire et faire des choses qui sont justes mais prêtent aussi à controverse. Il ne suffit pas de dire les choses, il faut aussi agir. Cela exige que nous ne reculions pas parce que la gauche et tous ceux qui prônent le politiquement correct sont en colère.
« Nous ne devons pas oublier une seule seconde que nous sommes dans une lutte de valeurs chaque jour. »
Soeren Kern est Senior Fellow du Gatestone Institute de New York.