Qui n'a pas entendu parler des « musulmans modérés » et du fait qu'ils seraient majoritaires au sein de leur communauté ? Après chaque attaque terroriste, les hommes et femmes politiques nous affirment que « la majorité des musulmans est modérée et condamne la violence ». Après chaque atrocité, les éditorialistes et commentateurs se précipitent pour affirmer que « bien sûr, la vaste majorité des musulmans est modérée ». Mais est-ce si vrai ? Dans leur majorité, les musulmans sont-ils réellement « modérés » ?
Un certain nombre d'informations nous permettent d'imaginer le contraire, à commencer par les sondages d'opinion. De manière régulière, les sondages réalisés au sein du monde occidental, ne parlons pas du Moyen Orient ou de l'Afrique du Nord, mettent en relief une image quelque peu différente du « musulman modéré ».
Ainsi, les sondages montrent que seulement 27% des musulmans britanniques éprouvent « une certaine sympathie » pour les motivations des agresseurs du magazine satirique Charlie Hebdo en 2015. Certes, entre un tiers et un quart seulement des musulmans britanniques a éprouvé de la sympathie pour ce commando anti blasphème. Plus récemment, un sondage ICM commandé par la chaîne Channel 4, a mis en lumière que la majorité de musulmans affichait des positions que tous les britanniques ou presque désapprouveraient. Ainsi, 52% des musulmans britanniques pensent que l'homosexualité devait être considérée comme un délit pénal. Voilà un chiffre qui frappe. Pas 52% des musulmans britanniques qui affirment que l'homosexualité n'est pas « leur tasse de thé » ou qu'ils ne sont « pas entièrement d'accord avec le mariage gay », non ! Plus d'un musulman sur deux estime que l'homosexualité devrait être passible des tribunaux.
Mais c'est après la publication de tels sondages que la rassurante image de la « majorité modérée » se fissure. Tout d'abord, il y a toujours une tentative de donner aux chiffres un éclairage positif. Pour le sondage Charlie Hebdo, la BBC (qui avait commandité l'ouvrage) s'est empressée de titrer « Une majorité de musulmans s'oppose aux représailles contre les caricatures de Mahomet ». Bien que cette affirmation soit vraie, là n'est pas le plus intéressant. La suite est infiniment plus éclairante et appelle à une réflexion sur la notion de « majorité de modérés » derrière laquelle se profile en réalité une « minorité de modérés ». En effet, chaque fois que les résultats sont rendus publics, la quasi-totalité de la communauté musulmane, y compris les musulmans en poste dans les médias et les chefs auto-proclamés des différentes communautés musulmanes, tous s'efforcent de prouver que le sondage est mensonger. C'est ce qui s'est passé pour le sondage ICM, et tous les sondages qui l'ont précédé. A l'exception d'un ou deux personnalités dissidentes, tous les musulmans qui ont pu s'exprimer dans les médias et tous les groupes de musulmans ont choisi de ne pas réagir sur les résultats d'ICM, mais de tout mettre en œuvre pour invalider la méthodologie ou les « motivations » derrière le sondage. Ce qui est en soi très révélateur.
Imaginons un instant une petite expérimentation. Quelle serait votre réaction si un sondage type ICM jetait un éclairage trouble sur la communauté dont vous vous sentez le plus proche ? Imaginez que vous êtes juif et qu'un sondage révèle que la majorité des juifs pense que l'homosexualité doit être considérée comme un crime. Quelle serait votre première réaction ? Mon impression est que la plupart des juifs ressentiraient un profond embarras. Tout de suite après, vous vous poseriez la question de savoir quels moyens il conviendrait d'employer pour faire évoluer une statistique aussi terrible. Toutefois, il est possible, si aucune des personnes de votre entourage ne pense que l'homosexualité doit être passible des tribunaux et si aucun représentant de la confession à laquelle vous appartenez, n'a jamais évoqué cette éventualité (ni aucun autre sondage sur un sujet apparenté), il est possible alors que vous mettiez en question la crédibilité du sondage et sa méthodologie. Mais si ce n'est pas le cas, vous poussez un soupir et vous vous interrogez pour savoir comment on peut améliorer les choses. Si vous avez la conviction que le sondage dit vrai, vous n'êtes pas tenté d'en mettre en pièces les résultats.
De même, si demain un sondage rendait public l'opinion des britanniques blancs ayant reçu une éducation chrétienne, j'y porterais je crois un certain intérêt. Si j'apprenais demain que 39% des chrétiens anglais pensent que les femmes doivent toujours obéir à le leurs maris (ainsi qu'un sondage ICM l'a révélé pour les musulmans), j'aurais des raisons de m'inquiéter. Si le même sondage m'informait qu'un quart (23%) des britanniques anglais de confession chrétienne réclamait qu'une sorte de police biblique fondamentaliste puisse opérer en toute légalité sur certaines zones du territoire britannique, je m'inquiéterais encore plus.
Bien entendu, aucune de ces éventualités ne risque de se produire à brève échéance. Mais imaginons un instant que le problème se pose. Quelle serait ma réaction ? Je serais tout d'abord mort de honte. Et s'il s'avérait que les résultats de ce sondage n'étaient pas une surprise pour moi, je courberais la tête plus bas encore. En effet, si je savais que ma « communauté » cultivait des idées de ce genre, et si un sondage en informait l'ensemble du pays, je serai profondément honteux que ce « secret » soit maintenant connu de tous.
Mais quand de tels sondages apparaissent sur les musulmans britanniques, jamais, mais alors jamais, le moindre soupçon d'introspection ne fait surface. Encore moins de honte ou de préoccupation. Seule l'agressivité surgit. Si la majorité des musulmans était réellement « modérée », elle se préoccuperait du fait qu'un quart des musulmans réclame une séparation d'avec la loi britannique au profit de la charia. Les 75% de « modérés » devraient passer leur temps à corriger l'opinion de l'autre quart. Au lieu de cela, 99 % des 75% de « modérés » passent leur temps à couvrir les autres 25% et à attaquer la société de sondages qui les a mis au jour. Il y a là un petit symptôme d'un problème plus vaste que nos sociétés n'ont pas réellement commencé d'affronter.
Douglas Murray analyste spécialisé dans les faits sociaux est aussi éditorialiste. Il est basé à Londres.