Adieu Anjem Choudary ! Et pour deux ans et demi au moins. Le 6 septembre, l'imam radical britannique a été condamné à cinq ans et demi de prison pour incitation à rejoindre les rangs de l'État islamique. S'il se comporte bien en prison, il n'accomplira que la moitié de sa peine, alors qu"il est à peu près acquis qu'il sortira de prison dans un état d'esprit similaire à celui qui est le sien aujourd'hui. Ainsi va la loi dans une société de droit qui tranche et agit comme une société de droit doit le faire – en respectant les procédures. Il n'est donc pas inutile de comparer l'expérience d'Anjem Choudary et la manière dont l'Etat se comporte vis-à-vis d'une autre personne.
Il y a sept ans, un jeune britannique de Luton portant le nom de Tommy Robinson a créé la Ligue de défense anglaise (EDL). Il a fondé ce mouvement avec d'autres résidents de Luton en réaction aux musulmans radicaux qui manifestaient contre un défilé des troupes britanniques de retour au pays. La symétrie est d'autant plus intéressante que les islamistes qui protestaient ce jour-là à Luton, étaient militants d'al-Muhajiroun, le groupe d'Anjem Choudary. Robinson et d'autres résidents de Luton ont certes été sidérés par le comportement des islamistes, mais ils l'ont été plus encore par le comportement de la police qui a protégé les radicaux de la colère des résidents locaux.
Au-delà de la légitimité des motifs qui ont été à l'origine d'EDL, il n'est pas douteux que ce mouvement a été fauteur de troubles. Leurs manifestations ont dégénéré en violences tant en raison des voyous que le mouvement a attiré que par les « antifascistes » qui provoquaient sciemment les manifestants d'EDL dans le but de susciter des réactions violentes. Tout le temps que Robinson a dirigé l'EDL, il parait acquis – et cela a été confirmé par des observateurs ainsi que par des journalistes indépendants – que tous les efforts ont été tentés pour marginaliser les éléments problématiques au sein de l'organisation. A ceux qui ont dit que Robinson et ses amis n'avaient pas le droit d'organiser des manifestations, deux réponses sont possibles. La première est qu'ils avaient le droit d'être là autant qu'un autre. Secundo, les problèmes contre lesquels ils ont protesté (prêcheurs de haine, gangs de violeurs...) sont des problèmes réels, que l'Etat a incroyablement tardé à prendre en considération.
En 2013, Robinson a démissionné du mouvement qu'il avait fondé et s'est engagé dans différentes activités, notamment l'écriture d'un livre. Cet ouvrage raconte, entre autres choses, le harcèlement dont l'Etat l'a gratifié aux premiers jours de la création de l'EDL. Sa maison et celles de ses plus proches parents ont fait l'objet de multiples descentes de police, et tous les ordinateurs et autres éléments de documentation ont été confisqués par la police aux fins d'enquête. Toute lecture impartiale du livre - dont les détails ont été largement confirmés par les quelques journalistes qui se sont intéressés à son cas - suggère qu'il existait une volonté consciente et organisée de mettre Robinson en cause – par tous les moyens – et de le boucler.
La police a finalement trouvé de quoi l'incriminer – une fraude sur crédit immobilier – et Robinson a été jugé et condamné. En 2014, il a été emprisonné pour 18 mois. Mais à sa libération, le harcèlement a repris. Sa liberté de mouvement a été restreinte ainsi que sa liberté de parole et de réunion. A de nombreuses reprises, il s'est entendu menacé d'être renvoyé derrière les barreaux pour infractions aux règles de la liberté conditionnelle. Il a également été accusé d'être mêlé à une bagarre avec un prisonnier musulman reconnu coupable d'avoir attaqué Robinson. Ledit Robin était d'ailleurs placé et maintenu dans une aile de la prison ou les musulmans étaient majoritaires.
Depuis sa libération, Robinson a été continué d'être agressé à plusieurs reprises dans les rues de Luton, y compris par des musulmans qui n'ont jamais été incriminés, même quand les enregistrements des caméras de surveillance démontraient leur culpabilité. En février 2016, il du être hospitalisé après une nouvelle agression à la sortie d'une boîte de nuit d'Essex.
En août, alors qu'il assistait en famille à un match de football à Cambridge, il a subi encore une fois le harcèlement de la police. La police du comté de Cambridge l'a éjecté du pub ou il s'apprêtait à consommer avec sa femme et ses jeunes enfants. La police a agi malgré les protestations spontanées de la direction du pub qui a affirmé que la famille n'avait fait rien de mal et ne causait aucun problème. La police a conduit Robinson et sa famille au poste, et sur la séquence vidéo de l'incident, on entend clairement les jeunes enfants du couple pleurer.
Nombreux sont ceux qui pensent que ce type de harcèlement est normal – et que, pour maintenir l'ordre, il est nécessaire de garder à l'œil ceux qui peuvent fomenter des troubles. Mais si ce raisonnement est vrai, il est étrange que pareil arsenal répressif n'ait pas été utilisé contre Anjem Choudary tout au long des années où il a vécu en liberté dans sa communauté. Il serait intéressant de savoir si les traces existent d'un quelconque harcèlement subi par Choudary et sa famille, voire la liste des établissements d'où il a été éjecté quand il prêchait la haine sans parler des contrôles de police qu'il a subi. Il serait également intéressant de savoir si la police britannique opère des descentes régulières au domicile des islamistes radicaux dans l'espoir de trouver des erreurs dans leurs déclarations de TVA et autres obligations financières.
Bien entendu, toute comparaison de ce type est injuste et même facile, dans la mesure ou Tommy Robinson n'a pas été des années durant – contrairement à Choudary - au cœur d'une nébuleuse de terroristes et de sympathisants du terrorisme. Il ne s'est pas lié d'amitié avec tous les hommes qui ont décapité des civils et commis des attentats-suicides. Il n'y a pas d'exemple connu (de l'auteur de cet article) que Robinson ait une fois seulement appelé à la violence ou ait incité à violer la loi au nom de ses opinions politiques. Mais aux yeux de la loi, de la plupart des médias et d'un nombre important de personnes dans ce pays, Robinson est dans une position particulièrement regrettable. Il n'est pas islamiste radical et n'appartient à aucune minorité visible. Il fait partie de la classe ouvrière blanche et les autorités peuvent le persécuter à loisir et en toute impunité sans que personne se dresse pour protester au sein du vaste échantillon de personnes qui, dans nos sociétés se plaisent à défendre les droits des islamistes.
Les groupes de défense des droits de l'homme comme « Liberty », si stricts lorsqu'il s'agit de protéger les droits des islamistes tels que « Cage », demeurent étrangement silencieux sur le cas de Tommy Robinson. Savoir pourquoi oblige à ausculter le cœur d'un problème au sein duquel la Grande Bretagne se débat depuis plusieurs années, sans qu'un dénouement proche soit visible.
Douglas Murray, auteur britannique, commentateur et analyste des affaires publiques, est basé à Londres, en Angleterre.