Le crime ne paie dans aucun pays, mais pour les Palestiniens de Cisjordanie, le crime est un moyen de devenir fonctionnaire.
Dans ce bout de territoire dirigé par Mahmoud Abbas et l'Autorité Palestinienne (AP), chaque assassin d'un juif israélien est appelé « martyr ». Ce mot de « martyr » signifie que chaque fois qu'un Palestinien poignarde un juif, il accomplit un acte pieux et vertueux. Le tueur ayant ainsi prouvé qu'il est un bon Palestinien musulman, sa famille devient éligible à une rémunération du « Fonds des martyrs » que gère l'AP. Un fonds utilisé pour rémunérer les prisonniers palestiniens et les familles des « martyrs ».
Peu après que Mohammed Tarayra, un Palestinien de 17 ans, ait poignardé à mort une jeune israélienne de 13 ans, Hallel Yaffa Ariel, dans le lit ou elle dormait dans l'implantation de Kyriat Arba, la maison du terroriste a été immédiatement décorée de drapeaux du Fatah et de l'OLP (Organisation de libération de la Palestine). Nul doute que la famille sera bientôt inscrite sur la liste des « salariés » du Fonds des martyrs palestinien.
Selon Eli Lake de l'agence Bloomberg :
« L'origine de ces paiements est ancienne. Bien avant que les Accords d'Oslo n'instituent l'Autorité Palestinienne dans les années 1990, l'OLP finançait déjà les familles de « martyrs » et de prisonniers en Israël. Cette pratique s'est institutionnalisée pendant la seconde Intifada de 2000 à 2005. Les Israéliens ont trouvé des documents dans la dernière résidence de Yasser Arafat qui établissent des barèmes de rémunération pour les familles de kamikazes ».
Les rémunérations des tueurs n'ont rien de ridicule. Evelyn Gordon en cite quelques exemples dans Commentary :
« Les salaires des auteurs d'actions terroristes sont largement au-dessus des salaires du marché. Ils s'échelonnent de 2400 à 12 000 shekels par mois (565 euros à plus de 2 900 euros) et sont acquittés pendant toute la durée de la peine de prison. Les familles des personnes tuées en commettant une attaque terroriste jouissent d'autres avantages. Le plus bas salaire d'un prisonnier équivaut au salaire moyen distribué en Cisjordanie ; mais il est 40% plus élevée que le salaire moyen distribué à Gaza. Quant aux rémunérations les plus élevées, aucun Palestinien n'ose rêver toucher pareille somme un jour. En clair, l'AP a rendu la terreur plus rémunératrice que n'importe quel travail productif. »
Yigal Carmon, président et fondateur du Middle East Media Research Institute (MEMRI), a témoigné sur le sujet devant la commission des affaires étrangères de la chambre des représentants à Washingtons le 6 juillet 2016. Il a rendu public d'intéressants détails :
Tout d'abord, ces paiements sont structurés en détail par la loi.
« Le soutien financier aux prisonniers est défini par une série de lois et décrets, principalement les lois n°14 et n°19 de 2004 et la loi n°1 de 2013. Ces lois obligent l'AP à allouer aux prisonniers une indemnité mensuelle pendant leur incarcération et à leur fournir un salaire et un travail au moment de leur libération. Toutes les dépenses de santé, d'éducation et de formation professionnelle sont gratuites. Les années de prison sont comptabilisées comme années d'ancienneté. Il convient de remarquer qu'une peine de prison de cinq ans permet à quiconque de postuler à un emploi dans l'une ou l'autre des institutions de l'AP. En d'autres termes, l'AP a institué une priorité à l'embauche pour les personnes impliquées dans une activité terroriste ».
Au plan technique, l'AP transfère les fonds à deux organisations de l'OLP.
- Le National Palestinian Fund débloque l'argent pour les prisonniers et les prisonniers libérés, mais c'est la Commission pour les détenus et les ex-détenus qui organise ensuite la distribution.
- The Institute for Care for the families of Martyrs (Institut de prise en charge des familles de martyrs) finance les familles des martyrs.
Quels sont les montants ?
Les prisonniers et leurs familles ont représenté une dépense annuelle inscrite au budget 2016 de 137.8 millions de dollars (soit 7% du budget salaires et frais de fonctionnement de l'AP)
Les familles de « martyrs » ont représenté une dépense annuelle de 173 millions de dollars auxquels il faut ajouter 1.5 million pour les frais de fonctionnement. Le budget indique que l'Institute for Care for the Families of Martyrs indemnise « sans discrimination », ce qui signifie que le Hamas, le Jihad Islamique et les autres organisations terroristes en sont bénéficiaires.
En 2016, pas moins de 300 millions de dollars (275 millions d'euros) financent les prisonniers, leurs familles et les familles de « martyrs », soit 7 à 10% du budget total de l'AP.
Les Etats Unis et l'Union européenne qui financent les institutions palestiniennes, année après année, ont délibérément fermé les yeux sur le financement des « martyrs » auxquels ils contribuent.
Issa Karake, ministre des affaires liées aux prisonniers de l'AP, a défendun à l'occasion d'un meeting en novembre 2013, le droit des Palestiniens d'utiliser l'aide européenne pour payer les « salaires » des terroristes emprisonnés. « Les Européens réclament une utilisation propre de l'argent qu'ils nous donnent... ils ne veulent pas financer les familles de ceux qu'ils appellent des terroristes. Ils doivent renoncer à cette mentalité d'occupés » (Image source: Palestinian Media Watch) |
Les choses pourraient toutefois commencer à changer. Quelques signes sont dans l'air :
· 1) Le récent Rapport du Quartet pour le Proche Orient (UE, EU, Russie, ONU, juillet 2016) ne parle pas d'argent, mais « d'incitation à la terreur », ce qui est exactement la même chose.
« La violence continue, les attaques terroristes contre des civils, et l'incitation à la violence exacerbent la méfiance et sont fondamentalement incompatibles avec une résolution pacifique du conflit »;
Le Quartet ajoute :
« Les Palestiniens qui commettent des attentats terroristes sont souvent glorifiés publiquement comme des « martyrs » héroïques. Nombre d'images largement diffusées représentent des individus qui commettent des actes terroristes avec des slogans incitant à la violence ».
Ce rapport du Quartet n'a rien d'un pamphlet pro israélien, il critique vertement la politique d'implantations, y compris à Jérusalem et accuse les Israéliens d'anémier l'économie palestinienne. Mais celui que le communiqué du Quartet a mis colère n'a pas été Benjamin Netanyahou, mais Mahmoud Abbas. Ce dernier serait apparemment rentré en rage, car pour la première fois depuis de nombreuses années, la politique d'implantations du gouvernement israélien n'a pas été pointée du doigt comme le seul et unique obstacle à la paix.
Comme le négociateur palestinien Saeb Erekat l'a déclaré, le Quartet a voulu « égaliser les responsabilités entre un peuple sous occupation et une occupation militaire étrangère ». Cette « égalisation des responsabilités » est pour les Palestiniens, LE problème. Ils ne veulent pas apparaître comme susceptibles d'avoir à faire un geste, ni même un sourire, à l'idée que la paix puisse s'instaurer. Dans un Moyen Orient aux prises avec plusieurs guerres multi ethniques et multi religieuses entre les arabes et les non arabes, entre les musulmans et les non musulmans, entre les chiites et les sunnites, entre les sunnites extrémistes et les sunnites « modérés », qui au sein de ces Palestiniens sunnites, peut avoir assez de courage pour se lever et déclarer publiquement : « Eh Israël, mon ami, nous sommes prêts à vivre en paix avec vous et à reconnaître votre pays, Israëln comme un Etat pour les juifs : négocions sérieusement ! ». Impensable (d'un point de vue islamique bien sûr).
2) La pression internationale s'accroit. Le 4 mai 2016 par exemple, Palestinian Media Watch (PMW) rapporte que « à l'occasion d'une rencontre entre [le président de l'AP] Mahmoud Abbas, et le ministre des affaires étrangères de Norvège, Børge Brende, ce dernier à insisté pour que le programme d'aide financière aux prisonniers soit supprimé ».
Le 22 mai 2016, le même PMW a repris une information parue dans le quotidien de l'AP, Al Hayat al Jadidah :
« Selon le directeur de la commission des affaires liées aux prisonniers de l'OLP : Israël et un certain nombre de pays occidentaux tentent d'abolir les droits financiers des prisonniers au prétexte qu'ils ont été engagés dans des actions de terreur... »
3) Le gouvernement israélien qui, longtemps, n'a pas prêté attention au Fonds des martyrs, a changé son fusil d'épaule. Selon Bloomberg (1er juillet 2016), « Vendredi, le premier ministre d'Israël, Benjamin Netanyahu, a annoncé qu'il retiendrait sur les taxes qu'il reverse à l'Autorité Palestinienne, un montant égal à celui qui est payé aux martyrs ».
4) Frank Lowenstein, le délégué américain chargé d'assister les négociations israélo-palestiniennes a déclaré à Bloomberg que « les Etats Unis ont commencé à réduire cette part de leur assistance financière qui pourrait inciter au terrorisme. « Nous appliquons fermement la législation votée en 2014 qui nous fait obligation de déduire de l'aide au développement apportée à l'Autorité Palestinienne l'ensemble des paiements aux personnes emprisonnées pour des actes de terrorisme ».
5) Le sénateur américain Dan Coats (Républicains, Indiana) a déclaré au Jerusalem Post le 29 juin que le Sénat des Etats Unis « travaille à colmater la faille juridique qui permet aux responsables palestiniens d'utiliser les dollars de l'aide américaine pour salarier des personnes condamnées en Israël pour meurtre ou terrorisme ». Le State and Foreign Operations Appropriations Bill devrait être voté en 2017.
Le montant de l'aide au développement qui a déjà fait l'objet d'une retenue est confidentiel.
En réalité, la difficulté est aujourd'hui pour les Américains et les Israéliens de convaincre les gouvernements européens d'adopter une position équivalente. Cela ne sera pas facile. Fin juin 2016, à Bruxelles, le Parlement européen a fait une ovation debout un Mahmoud Abbas qui a commencé son discours ainsi :
« Nous sommes contre l'incitation. Mais il y a une semaine à peine, un groupe de rabbins en Israël, a demandé à son gouvernement, d'empoisonner, oui d'empoisonner l'eau des Palestiniens... N'est-ce pas de l'incitation ? N'est-ce pas une claire incitation au meurtre de masse de la population palestinienne ? »
Tous les membres du Parlement européen ont bondi sur leurs pieds pour acclamer l'auteur de ce pur mensonge antisémite. Le tollé en réaction a été tel que le jour suivant, Abbas s'est senti obligé de démentir. Il a admis qu'il ne disposait pas des bases nécessaires pour pareille affirmation.
La Grande Bretagne pourrait aider à briser l'adoration des Européens pour le « bon Palestinien » qui « veut la paix » - en subventionnant des attaques terroristes – et à relativiser la détestation du « mauvais Israélien » qui « vole la terre » mais se défend quand il est attaqué. En juin, un rapport indépendant commandé par la Direction du développement international (DFID, un organe gouvernemental dédié à la lutte contre la pauvreté) a conclu sur l'idée qu'en autorisant l'Autorité Palestinienne à payer des salaires aux terroristes, l'aide britannique à l'AP rendait les attaques terroristes contre Israël « plus probables ». Le DFID a dénoncé le rapport, mais les protestations des parlementaires britanniques ont été fortes.
Il n'est pas impossible de convaincre l'Union européenne – y compris la France qui mène une diplomatie anti israélienne dans le simple but de séduire un électorat musulman puissant – de cesser de subventionner les attaques terroristes. Comme le sénateur Coats le disait: « certaines choses sont trop immorales pour continuer de les tolérer ».
Mais en réalité, la seule vraie question est la suivante : « l'AP peut-elle cesser de payer les « martyrs » et faire la paix avec Israël ? Malheureusement, la réponse est NON.
Le lien entre le financement des « martyrs » et la paix est central. La société palestinienne est construite et organisée sur la base de la « résistance ». Les emplois, la notoriété et l'argent vont aux personnes qui sont - ou qui ont passé une partie de leur vie - dans les geôles israéliennes. La légitimité va aujourd'hui tout naturellement aux « martyrs ».L'échec des réformes introduites par l'ancien premier ministre de l'AP, Salam Fayyad, et son inévitable démission sont la conséquence de son manque d' « expertise » en matière de terreur. L'expert de Gatestone, Khaled Abu Toameh écrivait l'an dernier:
« La raison pour laquelle les Palestiniens n'ont pas voté pour Fayyad tient au fait qu'il n'a joué aucun rôle dans la « révolution » contre Israël. Dans la culture palestinienne, il est plus important d'être diplômé d'une prison israélienne que de l'Université du Texas à Austin. Fayyad n'a participé à aucune attaque contre les juifs et n'a jamais soutenu un combat militaire contre Israël. Il n'a pas non plus envoyé son fils lancer des pierres ou des bombes contre les Israéliens. Telle est la vraie raison qui prive les gens comme Fayyad d'un soutien populaire ».
Eli Lake de Bloomberg dit la même chose, bien que de manière différente :
« Le paiement des familles de terroristes jouissent d'une extraordinaire popularité » écrit Bloomberg. « Ziad Asali, président et fondateur de l'American Task Force on Palestine, m'a dit récemment que les politiciens et les médias ont donné à ces financements « une place qui tient du sacré dans la vie politique palestinienne ». Asali affirme que Mahmoud Abbas, président de l'AP, est trop faible pour enrayer le processus. « Nous nous trouvons aujourd'hui dans la situation suivante. La grande majorité comprend que cette violence doit cesser ; elle ne sert en rien les Palestiniens » dit Asali. « Mais je pense que personne en réalité n'a la stature et l'influence nécessaire pour infléchir le cours des choses ».
Les donateurs étrangers doivent toutefois comprendre ceci : il est de leur devoir de couper cette aide aux « martyrs », mais leur la fermeture du robinet n'amènera pas automatiquement la paix. Il pourrait en résultat par exemple, un déplacement de la violence : une révolte ouverte contre Abbas qui serait considéré comme un traitre ; une révolte contre la corruption de l'Autorité Palestinienne ; de nouvelles formes de terrorisme financées par des pays étrangers comme l'Iran et qui sait, d'autres pays sans doute.
Même si la récompense financière de la terreur est une impasse, sa suppression ouvre la voie à une autre impasse. Avec aucun « good guy », ni modèle à suivre au Moyen Orient, les musulmans ont besoin de la guerre contre Israël.
Nous n'en avons pas fini de sitôt avec le conflit israélo-palestinien.
Yves Mamou, auteur et journaliste, est basé à Paris. Il a travaillé pendant plus de 20 ans au journal Le Monde