Lorsqu'Emmanuel Macron a été élu Président de la République française en mai 2017, il a été décrit comme un réformateur qui allait tout changer en France et au-delà.
Quatorze mois plus tard, les illusions ont disparu. Les réformes menées ont été essentiellement cosmétiques et n'ont pas réussi à freiner le déclin du pays. La croissance économique est proche de zéro: elle a atteint 0,2% au deuxième trimestre de 2018. Le taux de chômage, 8,9% en juillet, reste élevé. Les dépenses publiques françaises en pourcentage du PIB restent, à 56,4%, les plus élevées d'Europe. Le pays est souvent paralysé par les grèves des transports en commun. Les zones de non droit continuent à croitre et Macron lui-même a récemment admis son impuissance en demandant une "mobilisation générale" de la population. Les émeutes sont fréquentes; tout rassemblement public important entraîne des actes de pillage et d'incendie volontaire. La nuit qui a suivi la victoire de l'équipe de France lors la Coupe du monde de football, des centaines de voyous se sont mêlés à la foule et ont brisé des vitrines, vandalisé des agences bancaires et des guichets automatiques, détruit des panneaux de signalisation et brûlé des voitures.
Dès lors que la plupart des activités économiques en France s'arrêtent en juillet et août, Macron aurait pu penser qu'il lui serait possible de profiter d'une pause estivale. Cela n'a pas été le cas.
Le Président français Emmanuel Macron. (Photo de Jack Taylor / Getty Images) |
Le 19 juillet, le quotidien Le Monde a publié une vidéo filmée le 1er mai montrant un homme portant un casque de policier et agressant brutalement deux personnes au centre de Paris. Une description accompagnant la vidéo expliquait que l'homme était "Alexandre Benalla, responsable de la sécurité du chef de l'Etat".
Benalla était en fait le garde du corps personnel de Macron. Il n'a, pendant des mois, cessé d'accompagner Macron en tout temps et en tous lieux, y compris lors de voyages privés dans des stations de ski ou sur la plage. Des documents ont été rendus publics montrant que Benalla se présentait comme "adjoint au chef de cabinet du Président", alors que sur la liste officielle de membres du personnel de l'Elysée, son nom n'apparaissait pas. Benalla a également obtenu une habilitation secret défense sans justification apparente et, bien qu'il n'ait pas passé l'examen pour devenir gendarme, il a reçu, comme par magie, le titre de lieutenant-colonel de gendarmerie - un titre qu'Arnaud Beltrame a obtenu au bout de deux décennies de service exemplaire, avant de mourir en héros en sauvant une femme prise en otage et en ayant la gorge tranchée par un terroriste islamique.
Benalla jouissait de toutes sortes d'avantages, d'une voiture avec chauffeur à un appartement de deux cents mètres carrés dans un somptueux bâtiment appartenant à l'État. Il n'a pas non plus été poursuivi pour un délit de fuite.
Les opposants politiques de Macron, de gauche et de droite, ont demandé une commission d'enquête parlementaire, et l'ont obtenue. Le Ministre de l'Intérieur a déclaré qu'il était au courant de l'agression filmée le 1er mai, mais a ajouté qu'il avait appris qui était Benalla en lisant les journaux. Le Prefet de police de Paris a évoqué un "copinage malsain" mais a refusé de donner des détails. Le secrétaire général du principal syndicat de policiers (SGP Police FO) a évoqué la présence dans l'entourage du Président de barbouzes "agissant au-delà de tout contrôle légal" et l'existence de tensions entre les barbouzes et les services de protection officiels.
Macron n'a rien dit pendant six jours. Puis, lors d'une réunion privée avec des parlementaires et des ministres de son parti, il a déclaré qu'il "assumait la responsabilité" de l'affaire Benalla. Il a également fustigé les médias et ajouté: "Nous avons une presse qui ne cherche plus la vérité ... Je vois un pouvoir médiatique qui veut devenir un pouvoir judiciaire".
Il espérait sans doute intimider les critiques, et imposer le silence. Il n'a pas réussi.
La colère de ses opposants n'a fait que s'intensifier. Ils ont déclaré que la réaction de Macron était insultante et inappropriée. Ils ont souligné que de nombreux détails semblaient étranges et qu'une enquête approfondie était indispensable. Un politicien rival a déclaré que le scandale avait atteint "le niveau du Watergate".
Cela dit, la justice en France n'est pas indépendante du gouvernement; aucun juge ne cherchera à en savoir plus sur le scandale. Aucune enquête approfondie n'aura lieu. Les médias français sont largement subventionnés par le gouvernement et ne sont pas plus indépendants de celui-ci que la justice. Même les médias français qui ne sont pas financés par l'État s'autocensurent, car ils appartiennent le plus souvent à des entreprises dont l'existence dépend de contrats gouvernementaux. Aucun journaliste français ne tentera d'en savoir davantage.
La Constitution française ne prévoyant pas de procédure d'empêchement, les Présidents français jouissent d'une immunité presque complète.
Macron sait que ses prédécesseurs ont pu rester au pouvoir malgré les scandales qui les ont touchés. Charles de Gaulle a créé une milice très équivoque qui a existé pendant trente ans: le SAC (Service d'action civique). François Mitterrand l'a dissoute après que plusieurs de ses membres aient été impliqués dans une tuerie sanglante commise près de Marseille. Il a ensuite créé une unité de «contre-espionnage», basée à l'Élysée, chargée d'intimider ceux qui pourraient révéler l'existence de sa seconde famille cachée. En 2005, des membres de l'unité ont été jugés pour avoir pratiqué des écoutes téléphoniques illégales, pendant la présidence Mitterrand: neuf ans après la mort de Mitterrand. En 2011, Jacques Chirac a été condamné à deux ans de prison avec sursis pour avoir détourné des fonds publics et abusé de la confiance du public pendant sa présidence: quatre ans après la fin de son deuxième mandat.
Le chroniqueur Ivan Rioufol, dans un livre récent, a décrit la victoire de Macron comme une "mascarade" organisée par des "socialistes en déclin", des "apparatchiks de l'UE", des partisans de l'islamisation de l'Europe et des adeptes du capitalistme de connivence.
Macron restera Président. Il sera néanmoins un Président diminué. Il prétendait incarner une "République exemplaire"; ce ne sera plus possible.
Macron était parvenu à marginaliser ses opposants politiques, il ne le pourra plus. Ses opposants critiquaient déjà l'absence de résultats de sa politique économique - baisses d'impôt sur le revenu insignifiantes accompagnées de nombreuses réglementations supplémentaires, changements minimes dans un code du travail très rigide - ainsi que sa faible réponse à la montée des cambriolages , des vols de voitures, des viols et des troubles sociaux.
Désormais, toutes les décisions qu'il prendra seront traitées avec suspicion et critiquées sans pitié. Macron a déjà reporté une réforme de la Constitution censée renforcer le pouvoir présidentiel (à savoir le sien). D'autres projets, tels que la diminution massive du nombre de fonctionnaires et la réforme de l'assurance-chômage, seront probablement abandonnés. Sa cote de confiance est en nette baisse.
La dégradation de la France se poursuit.
Des violences ont récemment opposé les habitants de Calais et les immigrants clandestins vivant dans un vaste bidonville abritant environ 6 000 personnes, que les journalistes ont longtemps appellé la "jungle de Calais". Le gouvernement a promis à plusieurs reprises de s'occuper de la situation, mais n'a quasiment rien fait. Et Calais, 75 000 habitants, est une ville ravagée: les prix des logements se sont effondrés, les magasins et les restaurants ont fermé leurs portes et les touristes se tiennent à distance.
Au mois de mai dernier, des parlementaires ont publié un rapport sur la situation dans le département de Seine Saint Denis, en banlieue parisienne. Le rapport dit que 20% de la population du département est composée de gens semblables à ceux vivant dans la "jungle de Calais"; des centaines d'entreprises sont au bord de la faillite et la police est débordée et ne peut faire un travail efficace.
Une situation semblable existe dans d'autres parties du pays. Des émeutes provoquées par des bandes musulmanes ont récemment éclaté à Nice, sur la Côte d'Azur, ainsi que près de la porte de la Chapelle, à l'intérieur de Paris.
L'évolution démographique de la population française, amorcée il y a plusieurs décennies, ne s'améliore pas. L'économiste Charles Gave a récemment utilisé des données statistiques pour démontrer que si rien ne change, la population non-musulmane pourrait être minoritaire en France dans 40 ans. Il a ajouté: " Ce qui est arrivé à l'Espagne ou à l'Asie mineure aux Xe et XIe siècles va arriver à l'Europe au XXIe siècle, c'est une certitude."
Les sondages montrent que si une élection présidentielle avait lieu maintenant, quand bien même Macron n'a remporté que 23,8% des voix au premier tour des élections de 2017, aucun autre dirigeant politique français ne pourrait remplacer Macron. La majorité de ceux qui ont voté pour lui au second tour a néanmoins, montrent les enquêtes, voté davantage contre son adversaire que pour Macron lui-même, qui n'a jamais eu de soutien populaire.
Macron est l'un des principaux défenseurs d'une Europe multiculturelle, post-nationale, post-démocratique et post-chrétienne. Un nombre croissant d'Européens voient dans cette conception de l'Europe un vecteur de la destruction de leur propre civilisation et votent pour des dirigeants qui ont des positions de résistance.
Les politiciens qui ont la même conception de l'Europe que Macron sont peu à peu éliminés de la scène politique ou réduits à des positions précaires. L'Italien Matteo Renzi a été sévèrement battu lors des élections de 2018. La chancelière allemande Angela Merkel, autrefois décrite comme "le leader le plus puissant d'Europe", ne garde son poste que parce qu'elle a accepté des mesures visant à limiter davantage l'immigration en Allemagne.
Macron ne tombera pas aussi brusquement que Renzi, mais sa position à l'heure actuelle semble aussi précaire que celle de Merkel.
Les dirigeants incarnant la résistance à ce qu'incarne Macron, eux, gagnent du terrain. Le Premier ministre hongrois Viktor Orbán a été réélu en avril et est aujourd'hui dans son troisième mandat consécutif. Il a mené campagne pour la défense des racines judéo-chrétiennes de l'Europe et de la souveraineté nationale, et contre l'immigration musulmane. Le chancelier autrichien Sebastian Kurz a un programme similaire à celui d'Orbán. Les gouvernements polonais et tchèque ont des positions très proches de celles de Kurz et Orbán. Matteo Salvini, le dirigeant de la Ligue (un parti hostile à l'immigration de masse), est aujourd'hui ministre de l'Intérieur et vice-premier du gouvernement italien.
Macron a récemment révélé ce qu'il pense des "populistes" tels qu'Orbán, Kurz et Salvini: "une lèpre qui monte en Europe", et a appelé les Européens à les "combattre".