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Le 11 novembre, le Président français Emmanuel Macron a commémoré le 100ème anniversaire de la fin de la Première Guerre mondiale en invitant soixante-dix chefs d'État à participer à un "Forum de la paix" coûteux, inutile et grandiloquent qui n'a servi à rien. Il a également invité le Président américain Donald Trump, et a choisi de l'insulter. Dans un discours pompeux - sachant que Donald Trump s'était défini quelques jours plus tôt comme un nationaliste et un défenseur de l'Amérique – Macron a invoqué le "patriotisme", l'a bizarrement défini comme "l'exact contraire du nationalisme" et l'a qualifié de "trahison".
Peu de temps auparavant, il avait parlé de "l'urgence" de la construction d'une armée européenne, et placé les États-Unis parmi les "ennemis" de l'Europe.
Ce n'était pas la première fois que Macron plaçait l'Europe au-dessus des intérêts de son pays. C'était la première fois qu'il plaçait les États-Unis sur la liste des ennemis de l'Europe.
Le Président Trump a immédiatement compris que le but de Macron était de préserver ses illusions de grandeur personnelle et de tenter d'en tirer un avantage politique intérieur. Il a aussi compris qu'il ne pouvait pas en rester là et accepter des insultes. Dans une série de tweets, il a rappelé au monde que la France avait eu besoin de l'aide des États-Unis pour recouvrer sa liberté pendant les guerres mondiales, que l'OTAN continuait à protéger une Europe quasiment sans défense et que de nombreux pays européens ne payaient toujours pas les sommes qu'ils avaient promis de payer pour leur défense. Il a ajouté que Macron avait un taux d'approbation extrêmement bas (26%), était confronté à un taux de chômage extrêmement élevé, et cherchait sans doute à détourner l'attention.
Trump a vu juste. La popularité de Macron est en chute libre depuis des mois: il est désormais le Président français le plus impopulaire de l'histoire moderne à ce stade de son mandat. La population française se détourne de lui en masse.
Le chômage en France n'est pas seulement à un niveau alarmant aujourd'hui (9,1%); il est à un niveau alarmant depuis des années. Le nombre de personnes en situation de pauvreté est très élevé (8,8 millions de personnes, 14,2% de la population). La croissance économique est inexistante (0,4% au troisième trimestre de 2018, en hausse par rapport à 0,2% pour les trois mois précédents). Le revenu médian (20 520 euros, soit 23 000 dollars par an) est très bas, et indique que la moitié des Français vivent avec moins de 1710 euros par mois. Cinq millions de personnes survivent avec moins de 855 euros (973 dollars) par mois.
Lorsque Macron a été élu en mai 2017, il a promis de libérer l'économie. Aucune mesure significative n'a été prise depuis. En dépit de certains changements superficiels - tels que la limitation des indemnités versées en cas de licenciement abusif ou la possibilité légèrement accrue pour les petites entreprises de pouvoir négocier des contrats de travail temporaire - le code du travail français, reste l'un des plus rigides du monde développé, et bloque la création d'emplois. Les prélèvements obligatoires français (plus de 45% du PIB) sont les plus lourds du monde développé. Et si certaines taxes ont été supprimées depuis que Macron est Président, de nombreuses nouvelles taxes ont été créées. Les dépenses publiques représentent environ 57% du PIB (16% de plus que la moyenne des pays de l'OCDE) et aucun signe de baisse n'est visible.
Macron a également promis, lors de son élection, de rétablir la sécurité. L'insécurité n'en a pas moins explosé; le nombre d'agressions violentes et de viols ne cesse d'augmenter. Les zones de non droit sont tout aussi nombreuses qu'il y a dix-huit mois et restent incontrôlables. L'afflux d'immigrants clandestins dans le pays a transformé des quartiers entiers en taudis.
En mai dernier, Macron a reconnu que dans de nombreuses banlieues, la France a "perdu le combat contre le trafic de drogue".
Lorsque le Ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, a démissionné le 3 octobre, il a parlé d'une "situation très dégradée" et a ajouté que, dans de nombreux quartiers, "la loi du plus fort - les trafiquants de drogue et les islamistes radicaux - a remplacé la République." Il ne faisait que confirmer ainsi les évaluations glaçantes de commentateurs "incorrects" tels que Éric Zemmour, auteur du Suicide Français, et Georges Bensoussan, auteur de Une France Soumise.
Les émeutes sont fréquentes, et montrent l'incapacité croissante du gouvernement à maintenir l'ordre. Les grèves dans les transports en commun, qui ont duré tout le printemps 2018, ont été accompagnées de manifestations suivies du pillage d'agences bancaires et de magasins. La victoire de la France à la Coupe du monde de football en juillet a conduit à une liesse qui a rapidement fait place à la violence de groupes ethniques qui ont brisé des vitrines, agressé des passants et attaqué la police.
Depuis son entrée dans la vie politique, les remarques de Macron révélant un mépris pour la population française se sont multipliées et n'ont pas aidé à détendre l'atmosphère. En 2014, alors qu'il était ministre de l'Économie, Macron a déclaré que les femmes employées dans une entreprise en faillite étaient "analphabètes"; en juin 2017, juste après qu'il soit devenu Président, il a posé une distinction entre "ceux qui réussissent et ceux qui ne sont rien". Plus récemment, il a confié à un jeune chomeur qui avait exprimé son désarroi qu'il suffisait de "traverser la rue" pour trouver un emploi. Lors d'une visite récente au Danemark, il a déclaré que les Français étaient "des Gaulois réfractaires au changement".
En mai dernier, le Président français Emmanuel Macron a reconnu que dans de nombreuses banlieues, la France a "perdu le combat contre le trafic de drogue". (Getty Images)
L'un des rares domaines dans lequel Macron a semblé vouloir agir est la place de l'islam. Et Macron a souligné à plusieurs reprises sa détermination à établir un "islam de France". Mais il a omis de prendre en compte l'anxiété d'une large part de la population face à l'islamisation rapide du pays. Le 20 juin 2017, il a déclaré (de manière inappropriée, voir ici, ici, ici, ici, ici et ici), "Personne ne peut faire croire" que la "foi (musulmane) n'est pas compatible avec la République". Il a également fort peu pris en compte les risques constitués par le terrorisme islamique, qu'il appelle rarement par son nom. Il semble préfèré, lorsqu'il en parle, utiliser le mot "terrorisme", sans adjectif qualificatif, et admet simplement qu'"il existe une lecture radicale de l'islam, dont dont les mots d'ordre n'obéissent pas à des principes religieux").
L'actuel ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, nommé par Macron pour remplacer Collomb, a écarté les préoccupations exprimées par son prédécesseur et a qualifié l'islam de "religion de bonheur, d'amour, comme la religion catholique".
Un autre domaine dans lequel Macron a agi sans relâche est le "combat contre le changement climatique", et ses ennemis là, ont été les automobilistes et les véhicules automobiles. Les contrôles techniques obligatoires pour les véhicules de plus de quatre ans ont été rendus plus onéreux, et le non-respect de ces contrôles est devenu plus punitif : le but évident étant qu'un nombre croissant d'automobiles plus anciennes soit retiré de la circulation Les limites de vitesse sur la plupart des routes ont été abaissées à 80 km/h (50 mph), les radars de contrôle de vitesse se sont multipliés et des dizaines de milliers de permis de conduire ont été suspendus. Les taxes sur les carburants ont fortement augmenté (30 cents par gallon en un an), et un gallon d'essence sans plomb en France coûte maintenant plus de 7 dollars.
La petite minorité de Français qui soutient encore Macron n'est pas concernée par ces mesures. Les sondages montrent que ses membres appartiennent aux couches les plus aiséés de la société, qu'ils vivent dans des quartiers riches et n'utilisent presque jamais de véhicules personnels. La situation est douloureusement différente pour la plupart des autres personnes, en particulier pour les membres oubliés de la classe moyenne.
Une décision récente d'augmenter les taxes sur les carburants a été la goutte d'eau qui fait déborder le vase et a déclenché une colère instantanée. Une pétition demandant au gouvernement d'annuler l'augmentation a reçu près d'un million de signatures en deux jours. Sur les réseaux sociaux, des personnes ont discuté de l'organisation de manifestations dans tout le pays et ont suggéré aux manifestants de porter les gilets jaunes que les conducteurs sont obligés de porter sur le bord des routes en cas de panne de leur véhicule. Le 17 novembre, des centaines de milliers de manifestants ont bloqué une grande partie du pays.
Le gouvernement a ignoré les demandes des manifestants. Ses principaux responsables ont répété que les discours (infondés) sur le "changement climatique" impliquaient des décisions drastiques et la nécessité d'éliminer l'utilisation des "combustibles fossiles", et ils ont refusé de changer de cap.
Une autre journée de protestation nationale a pris place. Et le 24 novembre, les "gilets jaunes" ont organisé une marche sur Paris. Nombre d'entre eux ont décidé, malgré l'interdiction du gouvernement, de se rendre sur les Champs-Élysées et de tenter de marcher vers le palais de l'Elysée.
Des affrontements ont eu lieu, des barricades ont été érigées et des véhicules incendiés. La police a répondu durement. Des manifestants non violents ont été battus. Des milliers de grenades lacrymogènes ont été utilisées, ainsi que des canons à eau. Bien que de nombreux manifestants aient brandi des drapeaux rouges indiquant qu'ils appartenaient à la gauche extrême, le Ministre de l'Intérieur, Castaner, a déclaré que la violence venait d'une "ultra droite séditieuse". Un membre du gouvernement a mis de l'huile sur le feu en comparant les "gilets jaunes" aux "chemises brunes" allemandes des années 1930. Macron a déclaré que ceux qui tentent "d'intimider des élus" devraient avoir "honte".
Le 25 novembre, Macron a fini par reconnaître, avec une réticence visible, la souffrance des "classes laborieuses". Il a prononcé deux jours plus tard, un discours solennel annonçant qu'il créait un "haut conseil pour le climat", composé d'écologistes et de politiciens professionnels, et que son objectif était de sauver la planète et d'éviter "la fin du monde". Il n'a pas dit un seul mot sur les revendications exprimées au cours des dix jours précédents.
Laurence Saillet, porte-parole du parti de centre-droit, Les Républicains a déclaré: "Les Français disent 'Monsieur le Président, nous n'arrivons pas à boucler les fins de mois', et le président leur répond 'nous allons mettre en place un Haut conseil'. Vous imaginez la déconnexion?".
Marine Le Pen, présidente du Rassemblement national (l'ancien parti du Front national et aujourd'hui le principal parti d'opposition en France), a dit: "Il y a une caste, minuscule en réalité, qui oeuvre pour elle-même et il y a l'immense majorité des Français... qui aujourd'hui ne se reconnaît plus, parce qu'il y a un sentiment de déclassement, de dépossession".
Les "gilets jaunes" bénéficient désormais du soutien de 84% de la population française. Ils exigent la démission de Macron et un changement immédiat de gouvernement. Ceux d'entre eux qui parlent à la radio et à la télévision disent que Macron et le gouvernement sont aveugles et sourds.
Ils ont décidé d'organiser une troisième manifestation nationale samedi 1er décembre – et une nouvelle marche vers Paris, les Champs Elysées, et le palais de l'Elysée. La révolte dans le pays s'intensifie et aucun signe n'indique un retour au calme.
Le politologue Jean-Yves Camus a déclaré que le mouvement des "gilets jaunes" est maintenant une révolte de millions de personnes qui se sentent asphyxiées par une imposition "confiscatoire" et qui ne veulent pas "payer indéfiniment" pour un gouvernement qui semble incapable de limiter les dépenses. Il a ajouté qu' "on ne mesure pas l'ampleur du rejet que certains expriment".
Dominique Reynié, professeur à l'Institut d'études politiques de Paris, a souligné que "Macron et le gouvernement ne s'attendaient pas à ce que leur politique fiscale aboutisse à cela".
Les élections européennes auront lieu en mai 2019. Les sondages montrent que le Rassemblement National de Marine Le Pen arrivera en tête, loin devant La République En Marche!, le parti créé par Macron.
En un peu plus d'un an, Macron, qui a été élu en mai 2017, a perdu presque tout crédit et légitimité. Il est l'un des derniers dirigeants européens au pouvoir à soutenir l'Union européenne telle qu'elle fonctionne.
Il a affirmé vouloir vaincre la vague "populiste" qui se répand sur tout le continent, et a affirmé que les dirigeants qui écoutent les gens désireux de défendre leur mode de vie sont la "lèpre" et incarnent des "vents mauvais".
La vague "populiste" frappe maintenant la France, et pourrait bien incarner la fin de la présidence Macron.